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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 98

Le mardi 19 mars 2002
L'honorable Dan Hays, Président


 

LE SÉNAT

Le mardi 19 mars 2002

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LES JEUX PARALYMPIQUES D'HIVER DE 2002

SALT LAKE CITY—LE SUCCÈS DES ATHLÈTES CANADIENS

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, j'ai le plaisir aujourd'hui de féliciter les athlètes qui ont représenté le Canada aux Jeux paralympiques d'hiver pour leur remarquable performance à Salt Lake City. À eux tous, ils ont rapporté 15 médailles au Canada qui se classe à présent sixième, un progrès spectaculaire par rapport aux jeux de 1998 à Nagano où il s'était classé quinzième.

Brian McKeever, notre skieur aveugle de Canmore, en Alberta, et son frère Robin qui lui servait de guide ont remporté deux médailles d'or et une médaille d'argent. Lauren Woolstencroft, de Calgary, blessée le premier jour, a remporté deux médailles d'or et une médaille de bronze en ski alpin. Toujours en ski alpin, sa collègue, Karolina Wisniewska, également de Calgary, a remporté le plus grand nombre de médailles, avec deux médailles d'argent et deux médailles de bronze.

Daniel Wesley, un vétéran du ski alpin assis de New Westminster, est revenu les poches pleines de médailles d'or, d'argent et de bronze alors que son coéquipier, Scott Patterson, de Vancouver, montait pour la première fois sur le podium avec une médaille de bronze.

Après s'être blessé au genou lors d'une descente d'entraînement, le champion mondial aveugle de ski alpin, Chris Williamson, de Scarborough, en compagnie de son guide paralympien, Bill Harriot, de Calgary, a persévéré toute la semaine pour remporter, le dernier, jour une médaille d'or au slalom.

Il s'en est fallu de peu pour que notre équipe de hockey luge, dont je suis tellement fière, remporte la médaille de bronze lors d'une rencontre particulièrement captivante. Nous étions à égalité avec la Suède, nous étions à égalité après prolongation, puis nous étions à égalité après le tir de confrontation. Finalement, la Suède a emporté la rencontre dans la deuxième fusillade. Le capitaine de l'équipe, Todd Nicholson, d'Ottawa, un leader sur et hors glace, a été nommé défenseur étoile des jeux.

Les autres membres de notre équipe qui participaient aux différentes épreuves de ski nordique et de ski alpin, Shauna Maria White, de Hinton, Collette Bourgonje, de Saskatoon, Stacy Kohut, de Banff, Ian Balfour, de Pincher Creek, Gord Tuck, de Victoria, et Mark Ludbrook, de Whistler, qui portaient notre drapeau, ont tous concouru avec beaucoup de compétence et d'ardeur.

En fin de compte, l'équipe canadienne nous a valu gloire et affection, grâce à ses excellentes performances accomplies avec dignité et fierté, dans le droit fil de la devise qui anime les Jeux paralympiques, et qui exprime le triomphe du corps et de l'esprit. L'excellence de ces athlètes dépasse les bornes de la compétition. Leur exemple inspire tous les Canadiens, surtout les jeunes souffrant d'un handicap, à qui ces sportifs ont fait comprendre que chacun peut atteindre tous ses objectifs.

Grâce à Radio-Canada et à d'autres services d'information, les Canadiens ont pu assister aux exploits de ces magnifiques athlètes. Il est à espérer que ces exploits leur vaudront rapidement de nouveaux appuis et feront comprendre au monde entier que le Canada est en voie de devenir le pays où tous les citoyens bénéficient de l'égalité d'accès et de l'égalité des chances. Que ces athlètes, leurs entraîneurs, Sport Canada et tous leurs commanditaires soient remerciés pour nous avoir donné l'exemple et nous avoir donné des jeux formidables.

LE MOIS DE LA NUTRITION

L'honorable Yves Morin: Honorables sénateurs, il y a 150 ans, avant que l'on ne découvre la vitamine C, les navigateurs qui sillonnaient les mers savaient déjà que, pour échapper au scorbut, ils devaient manger des agrumes. Depuis, nous avons ajouté de l'iode au sel, de la vitamine D au lait et à la margarine, et, tout récemment, de l'acide folique à la farine blanche et aux pâtes alimentaires.

Mars a été désigné Mois de la nutrition. Cette manifestation est particulièrement importante cette année du fait qu'il a été officiellement annoncé récemment que l'obésité, surtout chez les enfants, a aujourd'hui surclassé le tabagisme en tant que l'un des principaux problèmes de santé publique évitables. En fait, un enfant d'âge préscolaire sur quatre souffre d'embonpoint en Amérique du Nord. Nous sommes désormais plus sensibles que jamais à l'influence néfaste de l'industrie de la restauration rapide et de ses excellentes techniques de marketing sur les habitudes alimentaires de nos enfants et, dans mon cas, de mes petits-enfants.

Honorables sénateurs, dans les hôpitaux, les cliniques et les laboratoires du Canada, des chercheurs étudient nos habitudes alimentaires pour voir comment elles affectent notre santé. Les Instituts de recherche en santé du Canada, par l'entremise de leur Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète, sous la direction fort compétente du Dr Diane Finegood, financent plus de 400 chercheurs au Canada.

(1410)

[Français]

C'est ainsi que l'Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels de l'Université Laval, dirigé par le Dr Paul Paquin, s'intéresse de près à la relation entre l'alimentation et la prévention en santé. Il y a de plus en plus d'évidences scientifiques qui démontrent que certaines molécules

ou ingrédients dans les aliments possèdent des effets bénéfiques sur la santé qui vont au-delà des fonctions nutritionnelles de base. C'est précisément le sujet sur lequel portent les recherches du Dr Paquin.

[Traduction]

À l'Université du Manitoba, le Dr Hope Wiler, chercheur financé par les IRSC, se consacre à l'intervention nutritionnelle chez les enfants prématurés et à ses effets sur le rattrapage du retard de croissance, la minéralisation des os et le neurodéveloppement.

Honorables sénateurs, le partage des fruits de la recherche est une entreprise de taille. L'information est vitale, non pas uniquement pour les personnes concernées par certains problèmes de santé, mais pour tous ceux qui souhaitent conserver et améliorer leur santé. Le Réseau canadien de la santé, en association avec Santé Canada, est une source inépuisable d'informations sanitaires fournies par plus de 700 organismes à but non lucratif, voués à la vulgarisation des résultats de la recherche pour le compte des Canadiens, afin que tous puissent faire des choix éclairés.

[Français]

Le gouvernement doit donc s'impliquer non seulement dans le développement de la recherche sur la nutrition, mais encore s'assurer que les connaissances ainsi acquises deviennent aisément accessibles aux Canadiens et aux Canadiennes. Il s'agit là, honorables sénateurs, d'un des domaines les plus importants de la santé publique, non seulement dans notre pays mais encore dans l'ensemble de la communauté internationale.

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, à l'instar de la plupart des Canadiens, je suis extrêmement préoccupé par ce qui arrive à notre pays. J'ai soulevé la question à plusieurs reprises dans cette enceinte. La gestion de notre économie au cours des dix dernières années a entraîné le pire niveau de vie enregistré pour une décennie depuis les années 30.

Depuis les deux dernières années, la valeur du huard ne cesse de décliner par rapport au dollar américain, à un rythme annuel d'environ 5 p. 100. Au cours des dix dernières années, la productivité américaine a augmenté d'environ 23 p. 100 alors que celle du Canada ne s'est accrue que de 16 p. 100.

La semaine dernière, le vice-premier ministre, John Manley, a affirmé que la faible valeur du dollar canadien est une béquille qui permet aux entreprises canadiennes de demeurer concurrentielles, même si elles ne le sont pas vraiment. Il a déclaré que certaines entreprises ne pourraient relever la concurrence et devraient cesser leurs activités si la valeur de notre dollar augmentait par rapport à celle du dollar américain. Il a ajouté que la productivité constitue la préoccupation économique la plus sérieuse du Canada. Je crois qu'il a tenté de faire intervenir le ministre des Finances, mais ce dernier était trop occupé à essayer d'obtenir la direction du parti libéral.

Honorables sénateurs, nos entreprises ne pourront survivre si les choses ne changent pas rapidement. Le premier ministre et le ministre des Finances peuvent vanter le dollar autant qu'ils le veulent, mais le moment d'agir est venu. Le gouvernement fédéral a peut-être légèrement réduit l'impôt sur le revenu des particuliers, mais le haut niveau d'imposition sur la propriété et sur le capital de même que les charges sociales des entreprises réduisent les profits qui pourraient être investis dans la productivité, la recherche et le développement et dans l'élaboration de nouvelles technologies. Le gouvernement doit faire sa part en réduisant la réglementation et les impôts et en améliorant la coordination entre tous les niveaux de gouvernement au sujet des questions d'affaires.

Trois facteurs nuisent à la compétitivité du Canada sur la scène mondiale: le haut niveau d'endettement du gouvernement, les niveaux d'impôt élevés et les fortes dépenses gouvernementales. L'innovation doit venir du secteur privé. Le rôle du gouvernement est de veiller à ce que le jeu en vaille la chandelle et de créer un climat permettant au secteur privé d'innover. Sinon, il doit s'abstenir de mettre des bâtons dans les roues des entreprises.

Lord Black n'avait pas tout à fait tort lorsqu'il a affirmé que le Canada était trop socialiste et s'orientait vers le désastre économique. Nous nous trouvons peut-être aujourd'hui dans une situation comparable à celle de l'Argentine.

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD—LE VINGT-CINQUIÈME ANNIVERSAIRE DE LA RADIO

L'honorable Elizabeth Hubley: Honorables sénateurs, le 7 mars 2002, la radio de Radio-Canada à Charlottetown a célébré son vingt-cinquième anniversaire. C'était un grand jour pour la direction et les employés de la station et pour les gens de l'Île-du-Prince-Édouard.

Honorables collègues, ma province a, dans le domaine de la radio, une histoire illustre qui remonte à 1926, lorsque les studios de CFCY — «The Friendly Voice of the Maritimes» — étaient sur la rue Bayfield, à Charlottetown. En fait, le fondateur de CFCY, M. Keith Rogers, était l'un des pionniers du Canada dans le domaine de la radiodiffusion. Lorsque la radiodiffusion publique est enfin arrivée à l'Île-du-Prince-Édouard en 1977, il y avait déjà une forte tradition d'émissions locales de qualité.

Dès le jour où elle est entrée en ondes à partir des anciens studios situés au-dessus du magasin Atlas Tire, à Charlottetown, la radio de Radio-Canada a signifié son intention de poursuivre la tradition d'émissions sur l'île et pour l'île.

En combinant des nouvelles locales, régionales et nationales et des émissions d'actualités donnant de l'information sur la collectivité et en montrant qu'elle était bien décidée à découvrir et à partager avec les habitants de l'île leur patrimoine et leur culture que reflétaient des récits, des poèmes et des chansons, la radio de Radio-Canada est rapidement devenue une institution appréciée dans la province.

La télévision de Radio-Canada continue bien entendu à laisser sa marque sur l'île, mais c'est le service de radiodiffusion MF qui s'est taillé une place spéciale dans le coeur de nos citoyens.

L'Île-du-Prince-Édouard est une petite collectivité intime. Nous avons tendance à nous connaître les uns les autres ou à savoir du moins qui sont nos parents respectifs et d'où ils viennent. La plupart des habitants de l'île connaissent nos animateurs de la radio de Radio-Canada par leur prénom. Ce sont de bons voisins qui entrent dans nos foyers tous les jours pour nous avertir de tempêtes d'hiver et nous signaler l'état des routes, pour nous informer de festivals et d'événements communautaires et pour nous faire participer au débat politique. La radio de Radio-Canada a été le pivot de la vie dans l'île durant ses 25 années de service.

Honorables sénateurs, je sais que la radio de Radio-Canada est importante pour des millions de Canadiens, mais elle l'est surtout pour les collectivités rurales où il y a moins de choix en matière de radiodiffusion et où les limites des collectivités sont plus claires. Dans de tels endroits, la radio de Radio-Canada est une force indispensable qui contribue au renouvellement et à la croissance de la collectivité et qui fait également le pont entre les identités provinciale et nationale des gens.

Honorables sénateurs, le Canada est un pays plus solide et plus riche grâce au service public de radiodiffusion. Je vous invite à vous joindre à moi pour souhaiter à la direction et au personnel de la radio de Radio-Canada à Charlottetown un très joyeux vingt-cinquième anniversaire.

[Français]

L'OEUVRE DE JEAN-PAUL RIOPELLE

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, nous avons depuis une semaine assisté à un concert d'éloges bien mérités à l'endroit de Jean-Paul Riopelle de la part de ceux qui l'ont connu de près et des experts qui sont versés en la matière. Que reste-t-il de cette grande vie dans le siècle que nous venons de vivre?

Jean-Paul Riopelle laisse une oeuvre colossale, débordante et enjouée. Il occupe une place de tout premier rang au firmament des arts. Peintre, sculpteur et graveur, grand amant de la nature qu'il a si bien su peindre, il a marqué son époque. Il est unique en son genre.

Il se lia à Paul-Émile Borduas et aux automatistes en 1944. Une aquarelle de Jean-Paul Riopelle faisait la couverture du Manifeste en 1948. Il se fixa à Paris en 1948 et connut par la suite une carrière prodigieuse. Il fit la navette entre la France et le Canada, et il est revenu parmi nous en 1988. On parlera de lui longtemps.

Honorables sénateurs, nous avons eu la chance incroyable d'avoir parmi nous un tel génie. Merci, Jean-Paul Riopelle.

[Traduction]

LA COMPAGNIE DES JEUNES CANADIENS

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, la Compagnie des jeunes Canadiens, qui existe depuis plus de trente ans, a de nouveau fait les manchettes. Je suis fière d'avoir été associée hier à d'aussi remarquables Canadiens que l'ex-ministre des Affaires étrangères Lloyd Axworthy, l'ex-mairesse de Toronto Barbara Hall, l'écologiste Maurice F. Strong, les leaders autochtones Phil Fontaine et Georges Erasmus, pour ne nommer que quelques-uns des anciens membres de la Compagnie des jeunes Canadiens. Je suis toutefois moins ravie des raisons pour lesquelles mon nom et celui de mes anciens camarades ont été mentionnés par les médias cette semaine.

À la suite d'une demande d'accès à l'information, il a été établi que la GRC nous avait qualifiés de membres d'une organisation terroriste subversive visant la destruction de la société canadienne. Aucune des personnes mentionnées n'était terroriste. Notre seul «crime» fut d'avoir été des idéalistes à la poursuite de la réforme sociale.

Dans le Grand Nord canadien, des milliers de gens ont profité de nos programmes. Des sociétés agricoles sont nées, l'agriculture biologique a été favorisée, et des programmes d'orientation thérapeutique ont été offerts aux mères et aux enfants non autochtones durant les longues nuits pour combattre les problèmes de dépression. Ce n'est là qu'une liste bien incomplète des activités que nous avons organisées.

(1420)

C'est le Peace Corps, établi cinq ans auparavant par le président John Kennedy, qui a inspiré la création de la Compagnie des jeunes Canadiens dont l'objectif était d'améliorer nos qualités de citoyens. Des milliers de jeunes Canadiens ont bénéficié de cette expérience. Créée en 1966 par le Parlement, la Compagnie des jeunes Canadiens était le fruit des attitudes progressistes du Parti libéral du premier ministre Pearson.

En 1970, devant son incapacité à anticiper la crise d'octobre, la GRC s'apprêtait à s'en prendre à toute personne dont le profil ne correspondait pas à sa vision du Canadien idéal. Je rappelle aux membres de la GRC d'aujourd'hui que je suis bien vivant et que je me porte bien. Je ne suis pas un personnage subversif ni une terroriste. Je suis une Canadienne loyale, et je suis une fière ancienne de la Compagnie des jeunes Canadiens. Nous étions des agents de changement social. J'aime croire que nous avons largement contribué à faire participer les régions du Canada à la révolution industrielle du XXIe siècle.


AFFAIRES COURANTES

LE BUDGET DE 2002-2003

PRÉSENTATION DU RAPPORT INTÉRIMAIRE DU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES CONCERNANT LE BUDGET PRINCIPAL DES DÉPENSES

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le treizième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur le Budget principal des dépenses de 2002-2003, soit son premier rapport intérimaire:

Le mardi 19 mars 2002

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre Comité auquel a été déféré le Budget des dépenses de 2002-2003, a, conformément à l'ordre de renvoi du 5 mars 2002, examiné ledit budget et présente ici son premier rapport intérimaire.

Respectueusement soumis,

Le président,
LOWELL MURRAY

(Le texte du rapport figure en annexe dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui, à la p. 1316)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Murray, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

PROJET DE LOI D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 2001

PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu de la Chambre des communes un message accompagné du projet de loi C-49, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 10 décembre 2001.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Robichaud, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER L'EXÉCUTION DES DISPOSITIONS EXIGEANT L'EXAMEN DE LA LOI

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le mercredi 20 mars 2002, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à étudier l'exécution des dispositions exigeant l'examen de la loi qui sont contenues dans une sélection de lois concernant les affaires juridiques et constitutionnelles et à faire rapport à ce sujet;

Que les mémoires reçus, les témoignages entendus et les rapports présentés sur la question dans les législatures précédentes soient déférés au Comité;

Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 20 décembre 2003.

LA JOURNÉE INTERNATIONALE POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Vivienne Poy: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mardi 26 mars 2002, j'attirerai l'attention du Sénat sur la valeur significative du 21 mars, soit la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA DÉFENSE NATIONALE

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LE RETRAIT D'EUROCOPTER DE LA COMPÉTITION

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, madame le leader de l'opposition au Sénat peut-elle confirmer, aujourd'hui, ce que nous avons appris lors du point de presse à l'extérieur de l'autre endroit, à savoir qu'Eurocopter a retiré le Cougar de la compétition dans le cadre du projet d'hélicoptère maritime?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Forrestall me demande si je peux confirmer cette nouvelle. Oui, en effet, le 18 mars 2002, la société Eurocopter a informé des hauts fonctionnaires du ministère des Travaux publics qu'elle retirait l'hélicoptère EC-725 de la compétition et qu'il s'agissait d'une décision opérationnelle de sa part.

LA GUERRE EN AFGHANISTAN—L'OCTROI AUX MILITAIRES DES PRESTATIONS POUR ANCIENS COMBATANTS—LE DÉCRET SUR LA PENSION DANS LES ZONES DE SERVICE SPÉCIAL

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma prochaine question au leader du gouvernement est une question que j'ai soulevée à un certain nombre de reprises en cette Chambre. Elle concerne la nature précise du déploiement des Forces canadiennes en Afghanistan et, plus généralement, dans le cadre de l'opération Apollo.

Est-ce que le gouvernement a proposé de modifier le Décret sur la pension dans les zones de service spécial afin d'inclure l'Afghanistan et la participation à l'opération Apollo?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux pas répondre à la question du sénateur Forrestall. Je croyais que le décret couvrait ce sujet. C'est un sujet particulièrement restreint, bien qu'il ne le soit pas pour ceux et celles qui seraient admissibles à ces prestations. À mon avis, toutefois, le décret ne couvre pas nécessairement ce sujet. Par conséquent, je m'informerai.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, il y a confusion sur la question de savoir si les militaires présentement en service sont couverts. Le décret sur la pension dans les zones de service spécial porte exclusivement sur les prestations destinées aux anciens combattants pour service de guerre. Le décret permet, comme le leader le sait, un moindre fardeau de la preuve pour les anciens combattants qui sont invalides ou qui ont été tués dans une zone de service spécial. En effet, elle sait maintenant qu'il suffit de prouver que le décès ou la blessure ont résulté d'une blessure ou d'une maladie survenues pendant cette période de service. En guise de mesure préventive, un décret sur la pension pour service spécial élimine également la condition préexistante dans le cas des anciens combattants invalides touchant les prestations. Autrement dit, il faut que cela soit précis car le décret, au début, précisait un lieu.

Enfin, l'invalidité attribuable au service dans une zone de service spécial permet aux anciens combattants — et cela en constitue un élément important — de solliciter ou, dans certains cas, de se faire attribuer des emplois dans la fonction publique, par exemple, sans concours.

(1430)

Le fait est que, jeudi dernier encore, le décret sur la pension dans les zones de service spécial n'avait pas été modifié pour inclure le service en Afghanistan ou pour inclure les militaires engagés dans l'opération Apollo, dans le cadre de laquelle ils combattaient les membres d'al-Qaeda et les talibans en première ligne. En incluant les membres des Forces canadiennes à bord des navires canadiens qui interceptent un navire sur six de tous les navires interceptés dans la mer adjacente, il devient clair que nous parlons d'un grand nombre de personnes.

Il est clair également que cette anomalie soulèvera certaines questions dans l'esprit des anciens combattants et de leurs familles jusqu'à ce qu'on puisse la régler. Si une simple modification au décret est nécessaire, je ne doute pas que le décret restera valable. Si une simple modification seulement est nécessaire, préparons-là afin d'éviter des ennuis aux anciens combattants et à leurs familles. Ils ne devraient pas avoir à dire: «Le décret ne concernait pas une zone précise, mais l'intention était claire.» Rendons-le donc précis et clair. Est-ce possible?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le sénateur le sait, jusqu'à 2 500 militaires canadiens participent ou ont participé à l'opération Apollo, sur terre ou en mer. La question est importante pour tous ces militaires. Je vais me renseigner pour tenter de faire accélérer le processus, car, de toute évidence, il s'agit là d'une question délicate.

[Français]

LE REVENU NATIONAL

L'ALLOCATION AUX BÉNÉFICIAIRES DU CRÉDIT POUR TPS D'UNE ALLOCATION UNIQUE POUR COMPENSER LES FRAIS DE CHAUFFAGE

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat se rappellera que la dernière fois que nous avons parlé de ce sujet, l'automne dernier, j'avais soulevé le fait qu'on avait envoyé huit millions six cent mille chèques de 125 $, avant les élections, pour aider des gens dans la misère à payer leur huile de chauffage parce que le prix de ce combustible avait augmenté. Huit millions de chèques ont été émis. Beaucoup de gens ont reçu des chèques. Cela a coûté un milliard et demi de dollars.

Apparemment, 7 700 personnes décédées, 4 600 personnes vivant à l'étranger et 1 600 personnes en prison ont reçu des chèques pour payer leur huile de chauffage. On découvre, en plus, que 600 000 Canadiens admissibles à ces allocations ne les ont pas reçues. Ceux qui étaient dans la misère ne l'ont pas reçue et ceux qui vivaient dans une prospérité relative l'ont reçue! En bref, 500 millions de dollars n'ont pas été donnés aux bonnes personnes. Apparemment, 500 millions de dollars se sont évanouis dans la nature. Il est normal de savoir — ce sont des fonds publics — où le gouvernement ira chercher cet argent. Dans les poches du monde! On sait que ceux qui ont reçu ces allocations sont des gens à l'aise. Seulement le tiers des gens qui étaient dans une misère relative on reçu cette allocation. On ne sait pas où sont ces 500 millions de dollars et on ne voudrait pas récupérer un autre montant de 500 millions de dollars.

L'Agence, car aujourd'hui on ne parle plus au ministre, on parle à des agences, par l'entremise de son porte-parole, a dit: «On ne récupère plus l'argent, le dossier est clos.». Le leader du gouvernement peut-elle m'expliquer cette situation?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le sénateur se le rappelle, les chèques de remboursement de TPS ont été envoyés à ceux qui avaient demandé un remboursement de TPS par le passé. Ceux qui ont droit à un remboursement de TPS sont parmi les plus pauvres du pays et, compte tenu de leurs déclarations de revenus, sont considérés comme ayant des revenus bien inférieurs à la moyenne au Canada. C'est en se fondant sur cette réalité que le système a fait parvenir des chèques à ces gens.

Nous avons déjà discuté de ce qui se passe si un chèque est envoyé à une personne qui est décédée. Dans ce cas-là, nous savons que ses ayants cause doivent renvoyer le chèque du gouvernement fédéral. Une autre personne qui signerait le chèque au nom du bénéficiaire se rendrait coupable d'une fraude, à moins qu'elle n'ait hérité de la succession. Dans ce cas, des dispositions étroites lui permettraient de le faire.

Nous n'avons jamais contesté le fait que certains chèques ont été envoyés aux mauvaises personnes. Nous savions que, selon toutes probabilités, certains chèques se retrouveraient entre les mains des mauvaises personnes. Certaines personnes qui méritaient peut-être de recevoir l'argent ne l'ont pas reçu. Malheureusement, c'est le système qu'on a utilisé qui est à blâmer. Apparemment, ces personnes n'avaient pas droit à un remboursement de TPS cette année-là.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, pourquoi le gouvernement dit-il qu'il ne récupérera pas cet argent? Il en fait une question de principe. Il accorde des fonds à des gens qui n'étaient pas supposés en recevoir et il dit qu'il ne les récupérera pas. Quelle est la politique du gouvernement?

D'une part, il dit qu'il ne récupérera pas ces fonds des gens à l'aise, d'autre part, lorsque le contribuable lui doit 2,25 $, le gouvernement dépense 25 $ pour récupérer ces 2,25 $. Quelle est l'explication d'une telle situation?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, nous savons tous que le sénateur Bolduc n'a pas droit au remboursement de la TPS parce qu'il a dit ne pas avoir reçu de chèque. Je suppose qu'il en va de même pour tous les honorables sénateurs. Nous n'avons pas droit au remboursement de la TPS à cause du revenu que nous gagnons au gouvernement du Canada.

Dans les faits, il est parfois plus coûteux de récupérer des montants et il faut reconnaître, dès le départ, que le système n'était pas absolument équitable. C'était toutefois le système le plus équitable que le gouvernement pouvait appliquer à l'époque où de nombreux Canadiens traversaient une crise due à une hausse si rapide et si radicale du prix du combustible. Le gouvernement a alors décidé de procéder ainsi pour gérer les remboursements.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, permettez-moi de souligner que la ministre donne l'impression qu'il y a eu seulement quelques chèques. Ce n'est pas le cas. On parle de 500 millions de dollars, un demi-milliard de dollars. Je trouve cela scandaleux. Dans un autre endroit, le gouvernement perdrait son emploi, les ministres perdraient leur emploi. À Ottawa, ils sont promus quand il font les choses ainsi, c'est sans bon sens!

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, rien ne me dit que le montant de 500 millions de dollars est exact. Le vérificateur général nous dévoilera le montant véritable. Je n'ai aucune preuve établissant que le montant cité aujourd'hui par l'honorable sénateur Bolduc est correct.

[Français]

LES LANGUES OFFICIELLES

LE NON-RESPECT DES DROITS LINGUISTIQUES À POSTES CANADA DANS LES PROVINCES DE L'ATLANTIQUE

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, la fin de semaine dernière, une conférence s'est tenue à Memramcook, au Nouveau-Brunswick. On y a fait état de la situation du français dans les provinces de l'Atlantique. À cette occasion, une employée de Postes Canada de cette région s'est plainte du non-respect de ses droits linguistiques.

La ministre est-elle au courant de cette conférence? Si oui, est-elle au courant des problèmes mentionnés par cette intervenante? Madame le ministre peut-elle nous confirmer que Postes Canada fait tout en son pouvoir et en son devoir pour respecter les droits linguistiques de ses employés?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Nolin sait parfaitement que l'honorable Stéphane Dion, ministre des Affaires intergouvernementales chargé de voir à ce que la politique sur les langues officielles soit tout à fait pertinente, a déclaré qu'il suivait attentivement les questions comme celle qui est soulevée aujourd'hui. La Société canadienne des postes est une société d'État qui a des obligations à remplir, aux termes de la Loi sur les langues officielles. Je vais certainement attirer l'attention du ministre Dion sur le fait qu'une plainte a été formulée et qu'il faudra la prendre très sérieusement en considération. En outre, je suis heureuse de la récente annonce du nouvel Institut de Moncton qui veillera, je l'espère, à l'épanouissement des deux langues dans notre pays et surtout les langues minoritaires, soit le français dans la plupart des provinces et l'anglais au Québec.

(1440)

[Français]

Le sénateur Nolin: Il semblerait que ce n'est pas une situation récente et qu'elle perdure. Cette plainte n'est pas isolée. Ce serait un phénomène assez répandu. Madame le ministre pourrait-elle s'enquérir à ce sujet auprès du ministre responsable de Postes Canada, quant aux mesures qui sont prises pour s'assurer que les droits fondamentaux et linguistiques des Canadiens de l'Atlantique sont respectés dans la lettre et dans les faits?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Je vais faire état de cette situation non seulement au ministre Dion qui s'intéresse de près à cela je le sais très bien, mais aussi au ministre Manley, qui est responsable de Postes Canada.

LA SANTÉ

LE PROJET D'AGENCE DE SURVEILLANCE DES MÉDICAMENTS

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il semble que Santé Canada songe à annoncer la création d'une nouvelle agence dans le but d'améliorer l'efficacité de la surveillance des médicaments une fois leur vente autorisée. L'année dernière, l'Association médicale canadienne a demandé que Santé Canada crée une telle agence. Le ministère est celui qui doit veiller à l'innocuité des médicaments que les médecins prescrivent. Il y a deux ans, une adolescente d'Oakville, Vanessa Young, est morte après avoir ingurgité un médicament pour la digestion, le Prepulcid. Depuis lors, ce médicament a été retiré du marché.

Madame le leader du gouvernement peut-elle nous dire quand cet organisme chargé de la surveillance des médicaments sera mis sur pied?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur soulève là un problème grave. Le rapport d'un médecin légiste vient de dire que nous devons surveiller de beaucoup plus près les médicaments délivrés sur ordonnance qui sont mis sur le marché et noter avec exactitude leurs effets secondaires. Je crois savoir que le travail a déjà été entrepris.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, l'Agence canadienne d'inspection des aliments applique des programmes d'inspection pour garantir la sécurité des aliments. Cependant, on ne sait pas au juste quels seront les pouvoirs du nouvel organisme. Madame le ministre peut-elle nous dire quels seront ces pouvoirs — elle y a déjà fait allusion en réponse à ma première question? L'organisme sera-t-il semblable à l'Agence canadienne d'inspection des aliments?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne peux communiquer cette information à l'honorable sénateur aujourd'hui. Les 14 recommandations du jury qui ont été formulées à ce sujet et transmises à Santé Canada ont fait l'objet d'une étude sérieuse. Santé Canada s'efforce d'améliorer le programme de surveillance après la mise sur le marché. Le 1er avril 2002, soit dans une dizaine de jours, Santé Canada ouvrira une nouvelle direction qui sera chargée des activités postérieures à l'approbation des médicaments. Santé Canada disposera ainsi d'une capacité accrue. Quant à savoir si elle aura tous les pouvoirs de l'agence dont le sénateur a parlé, je suis incapable de répondre pour l'instant.

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

LA DIMINUTION DU NOMBRE DE TRAVAILLEURS AGRICOLES

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, des données statistiques récentes continuent de mettre en lumière les difficultés éprouvées par les agriculteurs canadiens. Ainsi, entre 1998 et 2001, le Canada a perdu plus du quart de ses travailleurs agricoles. C'est ce que nous apprend un récent sondage de Statistique Canada. Il s'agit de la plus forte diminution du nombre de travailleurs agricoles en 35 ans.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous faire part de la position du gouvernement au sujet de ces tendances très sérieuses?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, premièrement, je crois qu'il faut faire preuve de prudence au sujet de cette statistique. Il existe effectivement une indication faisant état d'une diminution de 26 p. 100 du nombre d'agriculteurs ayant déclaré que leur revenu agricole constitue leur principale source de revenu. Il n'est pas tout à fait exact, cependant, de soutenir que le nombre de travailleurs agricoles a diminué du quart. Ce qui est regrettable, et le sénateur Gustafson sera certainement d'accord avec moi, c'est que de plus en plus d'agriculteurs doivent travailler à l'extérieur de la ferme parce qu'ils ne peuvent plus se fier uniquement à leur revenu agricole pour assurer leur viabilité économique.

En ce qui concerne les mesures prises par le gouvernement, l'honorable sénateur sait que les provinces et le gouvernement fédéral ont signé un accord en vertu duquel ils s'engagent à travailler ensemble. Ils ont tenu des rencontres avant Noël et je crois que d'autres réunions sont prévues ce mois-ci, en vue d'élaborer des plans d'action à long terme pour le secteur agricole au Canada.

Le sénateur Gustafson: Honorables sénateurs, madame le ministre croit-elle qu'il est juste que les agriculteurs soient obligés d'avoir deux emplois et de travailler 16 à 18 heures par jour, alors que dans d'autres secteurs d'activité des gens gagnent bien leur vie?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne crois effectivement pas que ce soit la meilleure situation possible pour la communauté agricole. Les familles d'agriculteurs qui se retrouvent dans cette situation subissent des contraintes considérables. C'est pourquoi le gouvernement fédéral travaille avec les provinces à l'élaboration d'un cadre stratégique agricole.

La nouvelle politique visant à améliorer les programmes de protection du revenu agricole

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, dans le discours qu'il prononçait récemment devant la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, le ministre fédéral des Finances a tenté d'atténuer les inquiétudes des agriculteurs en expliquant que le gouvernement fédéral travaille avec les provinces à l'élaboration d'une nouvelle politique agricole visant à améliorer les programmes de protection du revenu agricole. Je crois comprendre, cependant, que cette nouvelle politique mettra surtout l'accent sur l'agriculture écologiquement responsable et sur la sécurité alimentaire. De fait, la plupart des analystes doutent que la nouvelle politique contiendra de nouvelles mesures d'aide pour combattre la faiblesse des prix des denrées.

Madame le ministre a-t-elle quelque chose à dire à ce sujet?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, tout ce que je sais, c'est que les discussions entre les ministres fédéral et provinciaux de l'Agriculture sont de nature très générale, qu'elles ne se limitent pas aux seuls aspects évoqués par l'honorable sénateur et que les consultations vont s'élargir et s'intensifier au cours des prochains jours.

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer deux réponses différées. La première est en réponse à la question orale de l'honorable sénateur Jean-Robert Gauthier, posée au Sénat le 7 mars 2002, concernant les droits linguistiques, et la deuxième en réponse à une question orale de l'honorable sénateur Pierre Claude Nolin, posée au Sénat le 20 février 2002, concernant la modernisation de l'équipement des forces armées.

LA JUSTICE

LA DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE—LE MAINTIEN DES DROITS LINGUISTIQUES—L'INTENTION DU GOUVERNEMENT

(Réponse à la question posée le 7 mars 2002 par l'honorable Jean-Robert Gauthier)

La Loi sur les contraventions est une loi qui vise à simplifier et à faciliter la poursuite des infractions aux lois et règlements fédéraux. Les accords conclus en vertu de la Loi sur les contraventions ne visent que la mise en oeuvre de la loi et non à faire assurer le respect des lois et règlements fédéraux.

Étant donné l'engagement officiel de l'Ontario de poursuivre ses efforts pour répondre au jugement de la Cour fédérale dans l'affaire Commissaire aux langues officielles et Sa Majesté, le ministère de la Justice a entrepris des démarches pour obtenir une prolongation du délai imposé par la cour.

Si cette prolongation est approuvée par la Cour, le ministère de la Justice et le ministère du Procureur général de l'Ontario vont continuer de s'occuper activement de régler les questions soulevées dans le jugement.

Advenant un échec des négociations en vue de signer, dans le délai supplémentaire qui pourrait être accordé par la Cour, un accord répondant au jugement originel de la Cour fédérale, le gouvernement fédéral suspendra l'application de la Loi sur les contraventions en Ontario et retournera à la procédure sommaire du Code criminel pour la poursuite des contraventions autres que les contraventions de stationnement.

L'ORGANISATION DU TRAITÉ DE L'ATLANTIQUE NORD

LA MODERNISATION DE L'ÉQUIPEMENT DES FORCES ARMÉES POUR S'ACQUITTER DE SES OBLIGATIONS

(Réponse à la question posée le 20 février 2002 par l'honorable Pierre Claude Nolin)

Les sommes versées par le gouvernement dans le secteur militaire sont déjà considérables et ne doivent pas être évaluées uniquement sous l'angle du dernier exercice financier. Le ministère de la Défense nationale dispose, cette année, d'un financement de base de plus de 11 milliards de dollars.

Selon le cadre budgétaire du gouvernement, ce financement augmente automatiquement au même rythme que les salaires offerts dans le secteur public; une augmentation automatique de 1,5 p. 100 du financement de base du MDN est accordée, chaque année, pour pallier la hausse de ses coûts.

En outre, le gouvernement a affecté des sommes importantes au secteur militaire. Dans les deux derniers budgets, les sommes versées au MDN ont augmenté considérablement:

700 millions de dollars du financement de base pour le présent exercice ont été affectés lors de ces deux budgets; c'est plus de 800 millions de dollars qui seront accordés, chaque année, d'ici l'exercice 2004-2005.

D'ici la fin du présent exercice, 2,5 milliards de dollars en tout auront été ajoutés, par ces deux budgets, au budget du MDN, et quelque 3,9 milliards de dollars de plus viendront s'ajouter au cours des cinq prochaines années.

En fin de compte, le gouvernement aura affecté, au cours de ses trois derniers budgets, un total de 7,6 milliards de dollars au secteur militaire d'ici l'exercice 2006-2007.

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de Jean Gleason, Hammond Dick, Sam Donnesey, Clifford McLeod, Leslie Smith et Dixon Lutz, tous des représentants élus des Premières nations du Yukon.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat.

Des voix: Bravo!


[Français]

ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI SUR LA SANCTION ROYALE

TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Rompkey, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi S-34, Loi relative à la sanction royale des projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Ferretti Barth, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 3 par l'adjonction au sous-paragraphe 2 de ce qui suit:

3(3) Dans le cas où l'octroi de la sanction royale s'effectue par déclaration écrite, plus d'un membre de chaque Chambre du Parlement peut être présent.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, c'est un privilège pour moi cet après-midi de vous entretenir pendant quelques instants des motifs pour lesquels j'appuie non seulement le principe et le contenu du projet de loi S-34, mais également l'amendement présenté par notre collègue, le sénateur Grafstein.

[Traduction]

Je tiens tout d'abord à dire tout le plaisir que j'ai eu à collaborer avec les membres du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, sous la présidence du sénateur Austin, et avec les divers témoins et personnes qui ont participé aux diverses séances de ce comité.

(1450)

Des observateurs trouveront peut-être presque trivial que nous ayons mis tant d'heures et tant de réflexion à préparer un projet de loi après tant de tentatives de la part de divers sénateurs. Je salue le sénateur Murray, qui a examiné la question et, bien sûr, je ne peux que reconnaître les diverses tentatives du sénateur Lynch-Staunton d'y apporter enfin une conclusion constructive.

Je tiens aussi à féliciter le leader du gouvernement de ce que le gouvernement ait pris l'initiative de faire de la proposition du sénateur Lynch-Staunton un projet de loi ministériel. Cela étant dit, le travail n'était pas terminé pour autant. J'ai remarqué dans le Hill Times le titre «La sanction royale est modernisée». Il semble que notre façon de faire est archaïque, surannée, ou que nous sommes une curiosité parmi les pays du Commonwealth parce que notre sanction royale n'a pas changé en 135 années de confédération.

Je rappelle aux sénateurs que la sanction royale suppose un élément constitutionnel très important, que M. David Smith a exposé très clairement lorsqu'il a comparu, l'automne dernier, devant notre comité. Voici ce qu'il a alors dit:

La sanction royale a lieu lorsque la Reine en son Parlement légifère. C'est là que le représentant de la Couronne personnifie la nation; le Sénat incarne le principe fédéral; et la Chambre des communes représente le peuple par l'intermédiaire de leurs représentants. La description des organes peut être contestée, mais pas les organes eux-mêmes ni leur inclusion selon des modalités que tous peuvent voir.

La sanction royale est prévue à l'article 91 de notre Constitution. La formule introductive est ainsi libellée:

Il sera loisible à la Reine, de l'avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces.

Cela signifie que la Couronne, c'est-à-dire la reine, fait partie intégrante du processus législatif au Canada et qu'elle personnifie la nation. La Constitution n'est pas muette sur la façon dont la prérogative de la reine devrait être exercée. En fait, les articles 55, 56 et 57 de la Constitution prévoient les situations où la reine ou son représentant peut refuser d'accorder la sanction royale. Même si cela s'est rarement produit dans le passé — et s'il fallait que pareille prérogative soit exercée, il s'ensuivrait une crise constitutionnelle majeure — il est indiscutable que nos dispositions constitutionnelles font encore état de ces pouvoirs.

Qu'en est-il du statut constitutionnel de la sanction royale? La sanction royale existe fondamentalement dans la Constitution. Ce que la Constitution ne prévoit pas, c'est la façon dont la sanction royale est accordée. Traditionnellement, la sanction royale a été octroyée en présence du représentant de la reine, c'est-à-dire le Gouverneur général ou son délégué, un juge de la Cour suprême du Canada. Selon l'usage, le représentant de la reine vient à cet endroit et donne son assentiment à l'adoption d'un projet de loi par les deux Chambres législatives. Autrement dit, il n'y a pas, dans la Constitution, de disposition qui explique ou qui décrive cette façon de faire.

Cette façon de procéder est essentiellement une question de convention, c'est-à-dire qu'elle n'est pas expliquée par écrit. Qu'est-ce qu'une convention? Il y a une citation d'un groupe d'éminents professeurs de l'Université Laval à laquelle le sénateur Beaudoin donnera certainement son assentiment. Quand peut-on dire qu'il y a une convention?

[Français]

Je cite un extrait de notre texte de droit constitutionnel, deuxième édition, à la page 45:

[...] trois conditions devraient être satisfaites [...]

Pour qu'il y ait une convention constitutionnelle...

[Traduction]

... il faut donc trois conditions. La première est:

[Français]

[...] il faut des précédents,

[Traduction]

C'est-à-dire que le geste, ou l'attitude, doit être répété non pas une fois, mais de nombreuses fois.

La deuxième condition est:

[Français]

[...] les acteurs doivent s'être cru liés par une règle;

[Traduction]

Autrement dit, ceux qui répètent ces gestes ou attitudes doivent se sentir obligés de le faire.

La troisième condition est:

[Français]

[...] et la règle doit avoir une raison d'être.

[Traduction]

Autrement dit, il doit y avoir une raison pour cela.

Telle est la nature d'une convention constitutionnelle. C'est ainsi que, traditionnellement, notre sanction royale est restée inchangée. La conjonction de ces trois éléments a été confirmée à maintes reprises depuis 140 ans dans la façon dont on procède à la sanction royale dans cette Chambre. Ces aspects sont fondamentaux pour la compréhension de notre Constitution.

Si c'est une convention, est-elle dénuée de sens? J'estime, honorables sénateurs, que les conventions font partie de notre ordre constitutionnel. La Cour suprême du Canada, à maintes occasions, a statué que les conventions font partie de notre Constitution. Je voudrais citer un passage de la décision de la cour dans le Renvoi sur la sécession du Québec. Voici ce que dit le paragraphe 32 de la décision de la cour:

[Français]

[...] le système global des règles et principes qui régissent la répartition ou l'exercice des pouvoirs constitutionnels dans l'ensemble et dans chaque partie de l'État canadien.

Ces règles et les principes de base, qui comprennent les conventions constitutionnelles et les rouages du Parlement, font nécessairement partie de notre Constitution, [...]

[Traduction]

Telle est la convention constitutionnelle qui fait partie de notre ordre constitutionnel. Il importe, si nous voulons changer cela, de remettre en question, comme les membres du comité l'ont fait durant les audiences et le débat qui a suivi la présentation du projet de loi par le leader du gouvernement ainsi que celle des contre-propositions que notre collègue, le sénateur Grafstein, a présentées au comité, il importe, dis-je, de remettre en question les éléments essentiels de la procédure actuelle.

À mon avis, il y a au moins trois éléments. D'abord, il y a la présence du gouverneur général, ou de son représentant. Il y a donc une présence physique. Ensuite, le processus doit être transparent. Les deux Chambres assistent au consentement du gouverneur général ou de son représentant. En troisième lieu, bien sûr, il y a le public. Quiconque n'est ni député ni sénateur peut assister à cette cérémonie au cours de laquelle le gouverneur général donne son consentement.

Que fait le projet de loi S-34? Il fournit une solution de rechange à la procédure que nous avons observée jusqu'à maintenant. Quelle est cette solution de rechange? Elle prend la forme d'une déclaration écrite.

Vous me demanderez quels changements ont été apportés à ces trois éléments. Le premier élément, c'est que c'est toujours un acte personnel. C'est encore le fait de la personne qui se trouve être, selon la Constitution, le gouverneur général ou son suppléant. Selon les lettres patentes, le gouverneur général choisit cette personne, et le projet de loi S-34 ne change rien à cela. Selon les lettres patentes, le gouverneur général conserve le même pouvoir de choisir la personne qu'il souhaite nommer pour exercer cette responsabilité. C'est encore un acte personnel.

(1500)

La transparence est moins évidente dans le projet de loi tel que rédigé maintenant et c'est pourquoi j'appuie l'amendement du sénateur Grafstein. La transparence, c'est que la déclaration écrite ne se fera plus à l'intérieur de l'enceinte du Sénat. Elle se fera dans un bureau privé, qu'il s'agisse de la résidence du Gouverneur général, du bureau de son suppléant, qui traditionnellement est un juge de la Cour suprême, ou de quelqu'un d'autre que le gouverneur général pourrait, selon les lettres patentes, décider de nommer pour exercer les responsabilités particulières du gouverneur général. Autrement dit, la sanction royale serait donnée en privé.

En vertu de l'article 4 du projet de loi, les deux Chambres sont avisées de la déclaration écrite portant sanction royale. Le projet de loi sous sa forme actuelle est moins transparent que lorsque le gouverneur général ou son suppléant viennent dans cette Chambre.

L'amendement proposé par le sénateur Grafstein est nouveau. Les membres du comité ont discuté longuement de cet aspect du travail. Certains membres du comité ont jugé que la déclaration écrite ne pouvait avoir lieu sans la présence d'un représentant des deux Chambres. Nous avons mis de côté cette proposition. Nous l'avons jugée trop stricte. Cependant, la proposition du sénateur Grafstein qui a été discutée au comité et présentée par le sénateur Cools est judicieuse et souple. Elle permet à au moins un représentant de chaque Chambre d'être présent. Ni le gouverneur général ni son suppléant ne sont tenus d'exiger la présence d'un représentant de l'une des deux Chambres pour faire la déclaration écrite. Cependant, n'importe lequel d'entre nous serait en mesure de demander d'être présent lorsque la sanction royale est donnée à un projet de loi par le représentant de la reine ou son suppléant. Fondamentalement, nous maintenons une certaine souplesse dans la procédure.

Honorables sénateurs, certaines recherches ont été effectuées sur cette question. Jusqu'en 1885, le gouverneur général donnait toujours lui-même la sanction royale aux projets de loi. Dans les premiers jours de l'histoire du Canada, les sessions parlementaires étaient très courtes. Elles duraient généralement de un à deux mois et le gouverneur général donnait normalement la sanction royale à l'ouverture et à la clôture de la session.

Au fil des ans, les sessions parlementaires ont été prolongées. Divers gouvernements voulaient donner la sanction royale à des mesures législatives pressantes, particulièrement dans des cas de mise en oeuvre immédiate. Dans ces cas, le gouverneur général ne pouvait pas toujours être présent et, à compter de 1885, il a commencé à nommer des délégués.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette de devoir aviser le sénateur Joyal que les quinze minutes qui lui étaient allouées sont écoulées.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, il ne me faudrait pas plus de trois minutes pour conclure.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, il s'agit simplement de permettre à l'honorable sénateur Joyal de conclure ses remarques.

[Traduction]

Des voix: D'accord.

Le sénateur Joyal: Merci, honorables sénateurs.

La fréquence des cérémonies a commencé à augmenter, ce qui veut dire que le gouverneur général, ne pouvant plus être présent, a commencé à déléguer cette responsabilité. C'est de cette façon que les juges de la Cour suprême ont été amenés à participer au processus législatif.

Le projet de loi S-34 répond à ces deux besoins en respectant parfaitement notre principe constitutionnel. Je prie les honorables sénateurs d'appuyer l'amendement, car il permettra d'assurer non seulement la souplesse, mais aussi la transparence. C'est là un élément fondamental d'un régime démocratique, et il est bien servi par le projet de loi tel qu'il a été modifié par le sénateur Grafstein.

Son Honneur le Président: Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: D'accord.

(La motion d'amendement est adoptée.)

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-34.

Bien que nous n'en ayons pas le temps aujourd'hui, j'aurais aimé pouvoir contester plusieurs des points soulevés par le sénateur Joyal, y compris ce qu'il a dit de la définition de «conventions». J'avais toujours cru comprendre que l'ancienne cérémonie de la sanction royale, que nous avons toujours observée, constituait le point de rencontre de la loi du Parlement, ou lex parliamenti, et de la loi du roi, ou lex prerogativa, et n'avait rien à voir avec les conventions.

Nous pourrons débattre cette question à un autre moment. Les conventions forment un sujet très complexe. Elles régissent l'exercice du pouvoir et les relations entre le Cabinet et le Parlement. Ce n'est donc pas tout à fait la même chose.

J'aimerais aussi mentionner que jusqu'en 1947 ou 1948, le Gouverneur général du Canada avait un bureau dans l'édifice de l'Est. J'espère qu'avec l'adoption de ce projet de loi, nous en arriverons à rétablir ce bureau, ou peut-être le bureau d'origine.

Honorables sénateurs, la plupart des sénateurs présents savent que je suis une ardente partisane de la monarchie, et surtout de la monarchie constitutionnelle que nous avons ici au Canada. Je crois fermement que c'est la plus grande réalisation du constitutionnalisme.

La monarchie constitutionnelle comprend la relation spéciale et unique aussi bien personnelle que politique que le monarque, Sa Majesté, entretient avec chacun de ses sujets. C'est une relation fondée sur le devoir d'allégeance que chacun doit à Sa Majesté, la souveraine, et le devoir dû par la souveraine à chacun de ses sujets.

J'ai pensé à cela vendredi dernier, 15 mars 2002, lorsque j'ai assisté à un déjeuner donné par Son Honneur James Bartleman, lieutenant-gouverneur de l'Ontario, en l'honneur de Son Altesse Royale le prince Michael de Kent et, de nouveau, le vendredi soir, lorsque je me suis assise à la table d'honneur au dîner offert à Toronto en l'honneur de Son Altesse Royale par la Ligue monarchiste du Canada.

Les honorables sénateurs savent sûrement que Son Altesse Royale le prince Michael de Kent est le cousin germain de Sa Majesté la reine Elizabeth II. Son père et celui de Sa Majesté, le roi George VI, étaient frères.

(1510)

Honorables sénateurs, mon intervention d'aujourd'hui a pour objet une question de grande importance. Ce projet de loi traîne depuis quelques années dans ses diverses incarnations. L'actuel projet de loi S-34, a porté au cours d'autres sessions les numéros S-7, S-15 et S-13. À tous les moments importants et dans toutes mes interventions, j'ai insisté sur le fait que ce projet de loi nécessitait un consentement royal, qu'il fallait faire intervenir le représentant de Sa Majesté au Canada, la Gouverneure générale du Canada, Son Excellence Adrienne Clarkson, et obtenir son agrément. Ce fait constitutionnel était soit inconnu de nombreux sénateurs, soit ignoré d'eux.

À plusieurs reprises, j'ai dit et fait consigner au compte rendu que le consentement royal de Sa Majesté la reine Elizabeth II, tel que signifié en 1967 au Royaume-Uni, tant à la Chambre des lords par le grand chancelier, lord Gardiner, qu'à la Chambre des communes par le procureur général, sir Elwyn Jones. J'ai cité les significations mot pour mot. J'ai attiré l'attention du Sénat à ce sujet dans mon discours du 1er décembre 1999 et surtout dans mon discours sur ce projet de loi, qui portait alors le numéro S-13, le 2 mai 2001. J'avais alors dit, comme on peut le voir à la page 757 des Débats du Sénat:

Je soutiens fermement que, pour présenter ce projet de loi au Sénat et en débattre, il faut d'abord obtenir la participation, le consentement et l'approbation de Son Excellence la Gouverneure générale Adrienne Clarkson.

Dans le même discours, j'ai déclaré:

Il incombe au Sénat et au parrain du projet de loi, le sénateur Lynch-Staunton, de procéder en conformité avec ces importants principes parlementaires et constitutionnels et avec le droit parlementaire en montrant tout le respect et toute la loyauté qui sont dus à Sa Majesté et à sa représentante au Canada, Son Excellence la très honorable Adrienne Clarkson.

Honorables sénateurs, le Sénat doit témoigner à Son Excellence la très honorable Adrienne Clarkson tout le respect et la dignité dus à son rang. La représentante de Sa Majesté ne devrait pas s'attendre à moins que cela de la part du Sénat.

[...] Je n'ai pas l'intention de voter sur ce projet tant qu'on ne nous indiquera pas que la Gouverneure générale Adrienne Clarkson est impliquée d'une façon ou d'une autre dans ce dossier urgent du consentement royal au Canada.

Honorables sénateurs, j'étais on ne peut plus sincère. J'ai tenu ma promesse à l'époque parce que j'étais fermement convaincue qu'un tel projet de loi ne pouvait aller de l'avant sans avoir reçu au préalable le consentement de Son Excellence.

Honorables sénateurs, j'ai été extrêmement satisfaite, l'automne dernier, lorsque le leader du gouvernement, le sénateur Sharon Carstairs, a déposé ce projet de loi sous le numéro S-34 et quand, avant la deuxième lecture, elle a pris la parole pour dire que le consentement royal avait été signifié. Le 4 octobre 2001, le sénateur Carstairs a déclaré, comme en témoigne les Débats du Sénat, à la page 1379:

J'ai l'honneur d'aviser cette Chambre que:

Son Excellence la Gouverneure générale a été informée de la teneur de ce projet de loi et consent, dans la mesure où il pourrait toucher les prérogatives de Sa Majesté, à l'étude par le Parlement d'un projet de loi intitulé «Loi relative à la sanction royale des projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement».

Je note en outre que, dans le même discours, sans me mentionner, elle cite lord Gardiner s'adressant à la Chambre des lords du Royaume-Uni. J'ai beaucoup apprécié que le sénateur Carstairs lise attentivement mes discours et accepte, comme je l'avais proposé, la ligne de conduite constitutionnellement correcte, qui consiste à obtenir le consentement royal de Son Excellence avant la deuxième lecture.

Honorables sénateurs, la sanction royale, qui assure l'édiction des projets de loi, est la quintessence du Parlement. C'est le point culminant du processus, son faîte et, en même temps, c'est le point de convergence des trois composantes du Parlement dans leur rôle séminal.

Honorables sénateurs, le premier ministre représente l'état de la politique d'un pays, mais Sa Majesté la reine, par l'intermédiaire du gouverneur général, représente l'état du pays lui-même et de ses citoyens. Voilà pourquoi elle est le chef de l'État.

Honorables sénateurs, lorsque je suis arrivée au Sénat, j'ai prononcé le serment d'allégeance. J'y croyais alors et j'y crois encore aujourd'hui. Je ne suis pas républicaine, comme le chef de l'opposition, le sénateur John Lynch-Staunton, l'auteur de ce projet de loi présenté au cours de sessions antérieures. Je suis fidèle à ma formation, à ma culture, à ma conception des choses, à ma personnalité et à mon esprit.

En terminant, je dirai que le monarque, Sa Majesté la reine du Canada, n'est pas qu'un ornement sans signification; Sa Majesté est la source et l'autorité de tous les pouvoirs. De nombreuses personnes déforment la signification de la sanction royale, en minimisent l'importance constitutionnelle et la relèguent au rang de simple sentiment, mais la sanction royale n'est rien de tel.

Je terminerai en citant l'opinion de Benjamin Disraeli à ce sujet. Dans son ouvrage intitulé Lord George Bentinck: A Political Biography, rédigé en 1852, M. Disraeli décrit la véritable force et le vrai sens de la sanction royale par la reine. Je rappelle que cet homme n'était pas à l'époque premier ministre du Royaume-Uni. Voici ce qu'il a écrit:

En tant qu'organe du pouvoir législatif dont la décision est finale, et qui par conséquent intervient en dernier, le souverain demeure libre de son opinion jusqu'à la sanction par les deux Chambres. Par ailleurs, le droit de veto du monarque anglais n'est pas un exercice vain. Il est tout à fait concevable que l'exercice de ce pouvoir, fondé sur les sympathies d'un peuple loyal, puisse causer la chute d'un ministère inconstitutionnel ou d'un Parlement corrompu.

C'est là le sens profond et véritable de la sanction royale par laquelle Sa Majesté incarne les sujets et les citoyens de l'ensemble du royaume, au-dessus des deux Chambres du Parlement.

Lorsque j'étais enfant, on m'avait expliqué que la différence entre les républicains et les monarchistes, c'est que les monarchistes n'aspirent pas à devenir roi ou reine parce que l'histoire leur a déjà donné un monarque. Dans le cas des républicains, cependant, nous savons tous qu'aux États-Unis d'Amérique tout le monde veut devenir président, même les gens les plus modestes. C'est pourquoi j'appuie la monarchie, parce que le détenteur du pouvoir suprême est déterminé par l'histoire.

Quand j'étais petite fille, une de mes enseignantes m'avait dit de me méfier de l'homme qui veut devenir roi et de la femme qui veut devenir reine. J'invite les honorables sénateurs à réfléchir à cela.

Les honorables sénateurs connaissent les dangers que les cabinets et les gouvernements modernes posent aux démocraties modernes du Commonwealth, compte tenu particulièrement de la suprématie universelle du cabinet du premier ministre et de la suprématie des organes non élus tels que la Cour suprême du Canada dans les affaires politiques. Le professeur Arthur Lower, constitutionnaliste célèbre, a fait une mise en garde sur les dangers de l'absolutisme du cabinet de gouvernement. Dans un ouvrage publié en 1958, Evolving Canadian Federalism, le professeur Lower écrit:

La plupart des gens se borneraient à dire que le Canada est une monarchie et que les anciens attributs du monarque suffisent comme philosophie: «le roi est source de justice», «le roi ne peut pas errer», et cetera. Mais qu'arriverait-il si le Cabinet devenait roi, s'il était le roi et qu'il avait aussi entre les mains la Constitution?

Voilà le danger inhérent de l'absolutisme du cabinet de gouvernement.

Honorables sénateurs, je remercie Son Excellence la Gouverneure générale du Canada, Adrienne Clarkson, et Sa Majesté la reine Elizabeth II du Canada. Je la salue en cette année de son jubilé d'or. Que Dieu la bénisse! Que Dieu la protège!

Honorables sénateurs, permettez-moi de terminer en lisant la troisième strophe, que l'on entend rarement, de l'hymne royal God Save the Queen, devenu l'hymne national. Voici:

O Lord our God arise,
Scatter her ennemies
And make them fall.
Counfound their politics
Frustrate their knavish tricks
On Thee our hopes we fix
God Save us all.
Puisse-t-elle régner longtemps sur nous!

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

(La motion est adoptée, et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

(1520)

LA LOI DE 2001 MODIFIANT LE DROIT CRIMINEL

TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Pearson, appuyée par l'honorable sénateur Poy, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-15A, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, sous sa forme modifiée.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'interviens pour traiter du projet de loi C-15A. à l'étape de la troisième lecture. Je compte me limiter au problème soulevé par les dispositions de l'article 71 de ce projet de loi, qui modifie l'article 696 du Code criminel. Le risque d'erreur judiciaire, voilà le problème que soulèvent cette disposition et les articles afférents du Code criminel. Il ne se passe pas un jour sans que les quotidiens du pays ne fassent état de nouvelles erreurs judiciaires, de poursuites et de condamnations injustifiées. Les causes les plus célèbres, généralement des homicides et des meurtres, nous viennent à l'esprit. Les cas de Guy Paul Morin et de Donald Marshall sont notoires. Il s'impose d'y remédier. D'excellents criminalistes de Toronto, notamment Alan Gold, Morris Manning et Edward Greenspan, ont publiquement dénoncé le problème et ont maintes fois indiqué leur inquiétude à ce sujet.

Comme le savent tous les sénateurs, j'aurais souhaité que les pouvoirs conférés au ministre de la Justice en vertu de cette disposition soient suffisamment vastes pour permettre à ce dernier de désigner la personne la plus compétente et la plus qualifiée pour mener ces enquêtes. Je crois également que le ministre devrait envisager de désigner non seulement des avocats, mais aussi d'autres professionnels, notamment des médecins légistes, des médecins pathologistes, d'anciens chefs de police et d'anciens parlementaires. Aujourd'hui, cependant, je voudrais aborder un autre aspect de la question.

Honorables sénateurs, je tiens à soulever la question de la domination idéologique, et en particulier de l'idéologie féministe radicale, ainsi que de la distorsion et des dégâts que provoque celle-ci dans l'administration de la justice, tant dans le droit pénal que dans le droit civil, mais en particulier dans le droit pénal. Je parle de la pléthore de problèmes issus du postulat qui soustend l'idéologie féministe radicale: tous les hommes sont des bêtes et toutes les femmes sont des victimes; les femmes sont moralement supérieures à l'homme; les hommes sont moralement inférieurs à la femme ou les hommes sont d'une façon ou de l'autre déficients sur le plan moral; les hommes sont foncièrement menteurs et les femmes disent par définition la vérité.

Honorables sénateurs, je parle de la pléthore de condamnations et de poursuites abusives dans les cas de violence sexuelle et physique ayant découlé des postulats mal inspirés du mouvement de la mémoire retrouvée — désormais tombée en disgrâce, Dieu merci — de la chasse aux sorcières entourant l'agression sexuelle, des politiques mal avisées et unilatérales de tolérance zéro à l'égard de la violence familiale axée sur les contrevenants mais non sur les contrevenantes, et d'autres phénomènes idéologiques. J'espère que le nouveau ministre de la Justice s'attaquera à ces problèmes d'une ampleur considérable. Je vais citer quelques causes.

Il s'agit en premier lieu de l'affaire Regina c. Nelson. James Nelson, maintenant âgé d'environ 34 ans, a été reconnu coupable en 1996 de plusieurs agressions physiques et sexuelles et il a été emprisonné durant trois ans et demi environ. Le 23 août 2001, il y a eu un revirement de situation. Dans un jugement d'un seul paragraphe, la Cour d'appel de l'Ontario a accueilli l'appel de M. Nelson, a annulé ses condamnations et l'a acquitté. Dans le cadre de cette mesure exceptionnelle et inhabituelle, la cour d'appel, dans un jugement rendu par le juge Laskin, a dit:

La nouvelle preuve proposée satisfait aux critères établis dans R. c. Palmer et montre que l'instruction de l'instance a mené à une erreur judiciaire. Habituellement, nous ordonnerions la tenue d'un nouveau procès, mais dans ce cas-ci, nous prononçons un acquittement parce que la Couronne reconnaît qu'il n'existe pas de possibilité raisonnable de condamnation et parce que l'appelant a en grande partie servi sa peine. Par conséquent, l'appel est accueilli, la condamnation est annulée et un acquittement est prononcé.

Un acquittement a été prononcé. Tout le texte du jugement tient dans ce paragraphe. Cette affaire est exceptionnelle parce que la personne ayant accusé M. Nelson est une femme du nom de Cathy Fordham, une amie proche de l'ex-conjointe de M. Nelson qui, à l'époque, livrait bataille à ce dernier pour obtenir la garde d'un enfant.

Il existe de nombreux articles de journaux à ce sujet. Je recommande particulièrement la lecture de l'un de ces articles, celui de Christie Blatchford paru le 8 septembre 2001 dans le National Post sous le titre «Crier au loup: Dans un système qui présume que les enfants ne mentent pas et que les femmes sont des victimes, les fausses allégations sont malheureusement fréquentes et régulières». Christie Blatchford, qui avait interviewé la détective Wendy Leaver, écrivait:

Comme l'a affirmé la détective Wendy Leaver, certaines femmes prennent plaisir au processus. Détective chevronnée, elle dit: «C'est une agression sexuelle et notre société reconnaît que ce geste est horrible. La femme devient alors le centre d'attention. Certaines femmes sont carrément malveillantes et voient dans l'accusation de viol le moyen de punir un ami de coeur ou un ancien conjoint, surtout si elles sont en plein conflit au sujet de la garde des enfants ou de la pension alimentaire. Par ailleurs, certaines d'entre elles souffrent de troubles psychiques.»

Honorables sénateurs, comparez cet arrêt d'un seul paragraphe prononcé par le juge Laskin en 2001 aux propos beaucoup plus durs et sévères du juge Fraser, de la Cour provinciale de l'Ontario, à l'endroit du même homme, M. Nelson. Quelques années auparavant, le 14 novembre 1996, le juge Fraser avait dit:

En outre, afin d'offrir une protection additionnelle à la plaignante, vu que c'est la troisième fois que cet individu est condamné pour un comportement criminel à l'égard de cette plaignante, pour les raisons énoncées, à savoir le contact répété avec cet individu et la nécessité de dissuader très précisément M. N., je vais ordonner que ce délinquant ne puisse pas profiter d'une libération conditionnelle totale avant d'avoir purgé au moins la moitié de sa peine.

Le juge Fraser est donc intervenu au sujet de la libération conditionnelle. Il voulait ainsi protéger la plaignante, la victime présumée, une menteuse malveillante comme on l'a découvert par la suite, qui a été accusée et condamnée pour méfait public en relation avec cette cause et d'autres causes.

Honorables sénateurs, chaque fois que je vois une de ces causes et j'en vois souvent, je continue de me demander comment et pourquoi tant de tribunaux, de juges et de procureurs de la Couronne se sont laissé duper par l'idéologie féministe radicale selon laquelle les femmes ne mentent pas et tous les hommes sont des violeurs en puissance.

Honorables sénateurs, la bonté et le vice ne sont pas des caractéristiques liées au sexe. Ce sont des caractéristiques appartenant à tous les êtres humains. Les hommes et les femmes sont également capables de vertu et de vice.

(1530)

La justice doit demeurer sourde à toute notion idéologique non scientifique, artificielle et non prouvée. Elle doit tenir compte des faits et de la loi, et de là prendre une décision. Un jugement ne devrait jamais être fonction du sexe ou de comportements établis en fonction du sexe.

Honorables sénateurs, les documents officiels sont pourtant remplis de ce genre de cas. Ce sont des erreurs judiciaires. Il ne s'agit pas de cas d'homicide et ils ne sont pas aussi spectaculaires que l'affaire Guy Paul Morin, mais ils sont nombreux.

Je parle maintenant de certaines poursuites injustifiées, qui bien que nombreuses et pénibles pour les accusés, se sont, grâce à Dieu, soldées par un acquittement.

Je cite le jugement rendu le 22 juin 1998, par la Cour provinciale de l'Alberta, l'affaire La Reine c. Ghanem. M. Ghanem avait été accusé de voies de fait contre son épouse, lors d'une dispute familiale. Il a subi un procès et a été acquitté. L'épouse de M. Ghanem l'avait accusé afin de le compromettre et de le prendre au piège dans des procédures de divorce. Ce fait est très bien documenté dans le jugement.

Or, il semble que M. Ghanem était ailleurs lorsque les voies de fait ont soi-disant eu lieu. En fait, il s'est avéré qu'il était bien ailleurs, en compagnie d'autres personnes. Il avait un alibi. Le juge Fraser parle de l'enquête et de l'absence d'alibi dans les termes suivants:

Cette information a également été fournie au policier au moment où les accusations ont été portées. Néanmoins, il a décidé de ne pas mener d'enquête sur l'alibi et s'est contenté de porter une accusation. Apparemment, il a estimé qu'il était de son devoir de faire une enquête.

Dans les motifs justifiant l'acquittement de M. Ghanem, le juge Fraser déclare ce qui suit:

Je trouve les éléments de preuve présentés par la plaignante et par sa mère contradictoires, confus, opposés, discordants, irréconciliables et bien franchement, faux.

Le juge Fraser a été sensible au caractère mensonger de l'accusation. Ensuite, le juge Fraser a porté son attention sur la question de la tolérance zéro en matière de violence familiale. Il a affirmé:

J'aimerais ajouter deux choses car il est curieux que, dans de telles circonstances, un homme puisse être faussement accusé jusqu'au moment de son procès et pendant la durée de ce dernier. Les raisons me semblent très claires et troublantes. Premièrement, la police semble pratiquer une politique de tolérance zéro concernant les cas de violence familiale. Toute politique de tolérance zéro est dangereuse, spécialement quand elle n'est pas correctement appliquée. Si la police pense que la tolérance zéro signifie qu'elle doit porter des accusations à chaque fois qu'elle reçoit une plainte, elle se trompe. Le pouvoir d'arrestation et d'inculpation est un pouvoir énorme. Mal employé, il devient un instrument d'oppression. Les plaintes doivent faire l'objet d'une enquête. Le fait que quelqu'un a déposé une plainte de violence familiale ne donne pas automatiquement à un agent de police des motifs raisonnables pour porter des accusations.

Honorables sénateurs, ces cas de poursuite injustifiée pour violence sexuelle et physique abondent et méritent que l'on fasse enquête. À l'occasion de discours précédents faits en cette enceinte, j'ai parlé de la question des fausses accusations. Toutefois, j'ai parlé de fausses accusations portées dans le cadre de poursuites au civil, généralement dans des affaires de garde d'enfants n'ayant donné lieu ni à des accusations au criminel, ni à des poursuites. Lors de ces discours au Sénat, j'ai mentionné des douzaines de jugements de ce genre, citant les conclusions des juges comme, par exemple, dans mon discours du 17 février 2000.

Ces fausses accusations, concernant principalement des actes de violence sexuelle et quelques cas de mauvais traitements qu'auraient subis des enfants, ont été portées dans le cadre de poursuites judiciaires et d'instances en divorce pour obtenir la garde exclusive des enfants. Toutefois, plus tôt aujourd'hui, j'ai parlé d'accusations et de poursuites au criminel.

Honorables sénateurs, le temps ne me permet pas de citer d'autres causes. Cependant, j'aimerais en appeler tout spécialement au ministre de la Justice, aux termes de cet article du projet de loi, pour lui dire que ces affaires demandent qu'il y ait enquête et j'aimerais profiter de cette occasion pour l'exhorter à se pencher sur ces problèmes et sur cette question. Je saisis également l'occasion pour l'exhorter à promouvoir l'idée que l'administration de la justice devrait éviter l'idéologie féministe radicale.

Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Une voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

LA LOI SUR LA COMPENSATION ET LE RÈGLEMENT DES PAIEMENTS

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'honorable George Furey propose: Que le projet de loi S-40, Loi modifiant la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, soit lu une troisième fois.

— Honorables sénateurs, je n'ai rien d'autre à ajouter à ce qui a été dit à l'étape de la deuxième lecture, sauf que le comité a fait rapport du projet de loi le 14 mars. Cette mesure a reçu l'appui de l'industrie, du monde de la finance et des sénateurs d'en face.

J'ai cru comprendre tout à l'heure que le sénateur Angus voulait peut-être intervenir, mais maintenant, s'il n'est pas ici, je suggère de procéder tout simplement.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

PROJET DE LOI SUR LE YUKON

TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Christensen, appuyée par l'honorable sénateur Léger, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-39, Loi remplaçant la Loi sur le Yukon afin de la moderniser et de mettre en oeuvre certaines dispositions de l'Accord de transfert au Yukon d'attributions relevant du Programme des affaires du Nord et modifiant et abrogeant d'autres lois.

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, je suis heureuse de pouvoir parler encore une fois du projet de loi C-39.

Essentiellement, le projet de loi modernise le libellé de la loi actuelle et vise à remettre le pouvoir de prise de décision entre les mains de ceux qu'il concerne le plus directement, les habitants du Yukon.

Il consacre également dans la loi la forme de gouvernement responsable que l'on exerce dans le territoire depuis plus de 20 ans et il exprime plus clairement les concepts énoncés dans la lettre de 1979 de M. Epp.

La dévolution de pouvoir a été un long processus qui s'est étalé sur plusieurs décennies. On ne peut exagérer l'importance de ce projet de loi pour le Yukon. Il signifie que les décisions concernant le territoire et ses ressources seront prises localement, non par un politicien ou un bureaucrate assis à Ottawa. Ce projet de loi marque la toute dernière étape et l'une des étapes les plus importantes de l'évolution politique du territoire.

Le sénateur Christensen doit être particulièrement honoré de parrainer ce projet de loi. Aujourd'hui, ses efforts ont enfin abouti, et je la félicite pour le dévouement dont elle fait preuve et pour les efforts inlassables qu'elle déploie depuis des décennies pour défendre les intérêts des habitants du Yukon, Autochtones et non Autochtones.

En fait, il y a pas mal d'arguments en faveur de ce projet de loi. Premièrement, il modernise la loi et change le nom de certaines institutions publiques de façon à mieux refléter l'existence d'un système de gouvernement responsable au Yukon. On inscrit dans la loi l'approche en vigueur depuis la fin des années 70. Le projet de loi envoie aussi un message positif quant à la situation économique du territoire aux personnes chargées de la mise en valeur des ressources ainsi qu'aux entreprises. Prenons, par exemple, la contribution probable qu'il fera au développement de l'industrie minière locale. Le projet de loi C-39 éliminera les obstacles bureaucratiques et ouvrira la porte aux règlements pris par le Yukon. Cela resserrera la réglementation et éliminera les doubles emplois — des conditions essentielles, surtout pour encourager le développement de cette industrie.

(1540)

Toutefois, et cela est peut-être plus important encore, ce projet de loi rapproche les habitants du Yukon des structures gouvernementales qui sont là pour les servir. Essentiellement, il leur donne le pouvoir d'être maîtres de leur destin, comme dans le cas des provinces. Le projet de loi contient un certain nombre d'éléments qui reconnaissent publiquement les accomplissements faits par le passé dans le domaine de la gestion des ressources locales. Il respecte aussi la capacité du gouvernement du Yukon à s'occuper des affaires du territoire. Par exemple, en vertu de la nouvelle Loi sur le Yukon, le ministre est tenu de consulter les représentants du Yukon — le Conseil exécutif — avant de déposer toute mesure législative qui aurait pour effet de modifier ou d'abroger la Loi sur le Yukon.

Le gouvernement territorial sera également chargé de diriger les programmes des affaires du Nord actuellement gérés par le MAINC. Le gouvernement du Yukon recevra d'Ottawa 34 millions de dollars par année pour financer la gestion de ces programmes.

Naturellement, cette mesure législative tend à offrir une certaine sécurité d'emploi aux fonctionnaires fédéraux travaillant au Yukon, une autre bonne raison d'appuyer le projet de loi.

Le projet de loi permettra au gouvernement du Yukon d'offrir des emplois à ces fonctionnaires fédéraux. Il mettra également tous les éléments en place pour que le transfert des pouvoirs au gouvernement territorial se fasse en douceur.

À l'étape de la deuxième lecture, j'ai déclaré que j'appuyais ce projet de loi. J'ai toutefois fait remarquer la non-participation de certains Autochtones dans les discussions tenues à Ottawa et dans consultations. Je suis ravie de pouvoir dire que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a recueilli le témoignage de représentants de certaines des communautés autochtones visées. Je suis particulièrement soulagée que ces Autochtones aient eu une tribune pour exprimer leurs réserves et leurs préoccupations en ce qui concerne ce projet de loi. Les représentants de la nation Kaska et de la Première nation de Carcross/Tagish ont livré un témoignage fort révélateur, qui nous a grandement aidé à mieux comprendre les ramifications du projet de loi. Mais surtout nous avons eu la chance de directement découvrir l'opinion et les réactions des membres des collectivités locales visées.

La semaine dernière, au cours de son intervention, le sénateur Christensen a mentionné certaines des questions légitimes et des grandes inquiétudes soulevées par le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Bien que le ministre n'ait pas comparu devant le comité pour discuter du projet de loi, le sénateur Christensen a profité de son dernier discours pour nous livrer le message du ministre. J'accepte la réponse offerte par le ministre. Je sens toutefois l'obligation de rappeler les grandes préoccupations de ces témoins.

Récemment, la nation kaska et la Première nation de Carcross/ Tagish nous ont fait remarquer qu'elles avaient fait des progrès immenses dans le cadre de leurs négociations. D'ailleurs, elles étaient assez confiantes de pouvoir en venir à un accord final d'ici six à huit mois. Après des décennies de discussions, cela prouve bien qu'elles sont très près de régler ces différends historiques. Ce sont là de bonnes nouvelles.

Ce qui m'inquiète toutefois, c'est que le mandat prendra fin le 31 mars 2002 et que les négociateurs autochtones ont été avisés que les négociations seraient interrompues si, d'ici là, les grandes questions n'étaient pas réglées.

Leur principal argument, c'est que le Canada a l'obligation, en vertu de la Constitution, de régler des revendications avec toutes les Premières nations du Yukon avant de transférer la gestion et la maîtrise de toutes les terres domaniales au gouvernement du Yukon. Ils sont préoccupés car le projet de loi C-39 ne dit pas clairement que le gouvernement du Yukon n'acquiert aucune compétence sur la gestion et la maîtrise des terres où le Canada n'a pas encore rempli ses obligations en vertu du Décret en conseil sur la terre de Rupert et le territoire du Nord-Ouest, adopté en 1870.

Ils ne sont pas encouragés non plus par les dispositions concernant la récupération des terres. Dans leur témoignage devant le comité, des représentants de la nation kaska nous ont exprimé ainsi leur opinion:

[...] le Canada devrait maintenir la gestion et la maîtrise des terres jusqu'à ce que les revendications soient réglées et ne devrait pas faire croire à tort qu'il récupérera des terres.

Ils soulèvent un argument raisonnable en admettant que la disposition concernant la récupération des terres les préoccupe. Dans une situation hypothétique, il semblerait difficile pour le gouvernement fédéral de récupérer des terres après qu'un gouvernement territorial eut accordé des droits à des tierces parties. Comme on l'a dit au comité, les ressources du Yukon et sa capacité de verser le montant d'indemnisation qui serait nécessaire pour remédier à une telle violation soulèvent d'importantes questions. Comme l'ont déclaré les témoins, une telle situation forcerait les Yukonnais à payer les coûts de l'indemnisation.

Un dernier aspect qu'ont abordé les témoins est le libellé de la disposition non dérogatoire. Un autre projet de loi que le comité a étudié récemment a fait surgir cette question controversée. Les représentants de la nation kaska ont souligné cet aspect en parlant du projet de loi C-39, disant qu'ils préféreraient se passer d'une disposition non dérogatoire plutôt que d'en avoir une sous la forme actuelle.

Cependant, j'ose espérer que le gouvernement du Canada restera fidèle à l'esprit du décret de 1870 et aux obligations qui en découlent. J'ai l'assurance que ces revendications seront réglées de bonne foi par toutes les parties intéressées, et que ce projet de loi n'entravera aucunement ce processus.

On ne peut la nier ni en faire fi, l'inquiétude existe localement à l'égard de ce projet de loi. Même si les groupes autochtones ont été particulièrement efficaces pour manifester leur mécontentement et ont fait valoir des arguments probants, il y a d'autres signes d'insatisfaction face à ce projet de loi. Par exemple, les médias locaux et le parti formant l'opposition officielle au Yukon ont fait état des prétendues lacunes du projet de loi. Toutefois, leurs arguments portent avant tout sur les problèmes ayant trait à la transparence et au processus de rédaction législative.

En entendant ces dernières inquiétudes, un vieil adage me revient à l'esprit: «On ne peut contenter tout le monde et son père.» Cela s'applique à ce projet de loi. Certains diront qu'il va trop loin tandis que d'autres diront qu'il ne va pas assez loin.

D'aucuns ont soutenu que le Yukon devrait être entièrement propriétaire de ses terres. Le projet de loi tombe court à cet égard. Cependant, il conférera au Yukon le pouvoir de faire à peu près tout ce que font les provinces. Le territoire pourra vendre et louer des terres. Il pourra déterminer le type de mise en valeur de ses biens, grâce à son pouvoir de délivrer des permis.

Peut-être plus important encore, le territoire gardera l'argent provenant de la vente et de la location des ressources du Yukon, de ses eaux et de ses terres. Au fond, en vertu de ce projet de loi, le pouvoir décisionnel en ce qui concerne les terres, les ressources minérales et les eaux du territoire sera détenu fermement par la population et le gouvernement du Yukon, comme il se doit, à mon avis.

Honorables sénateurs, comme on l'a dit, mais je crois qu'il vaut la peine de le répéter: ce projet de loi bénéficie de l'appui de tous les partis représentés à la Chambre des communes. À mon avis, cet appui reflète les intentions extrêmement positives de ce projet de loi et donne une idée de son importance pour la vie et le développement du Yukon.

Le projet de loi soulève des questions, mais personne ne conteste les mérites du transfert de plus grands pouvoirs au gouvernement du Yukon.

Encore une fois, je félicite le sénateur Christensen et toute la population du Yukon pour cette réussite. Je crois que le transfert officiel en 2003 assurera le succès continu du territoire et marquera un nouveau départ pour tous ses habitants.

(Sur la motion du sénateur Watt, le débat est ajourné.)

(1550)

[Français]

PROJET DE LOI SUR LA RÉÉDICTION DE TEXTES LÉGISLATIFS

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Corbin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-41, Loi visant la réédiction de textes législatifs n'ayant été édictés que dans une langue officielle.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots au sujet du projet de loi S-41, Loi sur la réédiction de certains textes législatifs.

Le sénateur Serge Joyal a très bien cerné le contexte dans lequel se situe ce projet de loi et il en a fait une excellente synthèse.

Le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation a découvert que cinq textes réglementaires ont été publiés dans les deux langues officielles sans toutefois avoir été adoptés dans les deux langues officielles, mais bien dans une seule de nos deux langues officielles. Le projet de loi S-41 vise à corriger cette lacune et à réédicter rétroactivement ces textes dans les deux langues officielles. Il s'agit des cinq textes suivants: le Règlement sur les minéraux des terres publiques (25 juin 1958); le Règlement sur la construction des coques (7 février 1958); le Règlement sur la protection des aides à la navigation (6 août 1964); le Décret relatif au tabac jaune du Québec (13 juillet 1961); et le Règlement de l'Air (29 décembre 1960).

Outre le Règlement sur les minéraux des terres publiques, abrogé le 20 décembre 1995, tous les autres textes étaient en vigueur au moment où le comité a publié son rapport. Dans ce contexte, le comité mixte affirmait que ces règlements pouvaient être invalides et ce, même s'ils avaient été publiés en français et en anglais, puisqu'ils n'avaient pas été réédictés dans les deux langues officielles depuis 1969.

De plus, le projet de loi S-41 confère au gouverneur en conseil le pouvoir de réédicter de façon rétroactive, dans les deux langues officielles, les textes législatifs qui ont été adoptés ou publiés dans une seule langue ou qui n'ont pas été publiés du tout. Comme l'a expliqué le sénateur Joyal, il n'est pas impossible qu'il y ait d'autres textes qui n'aient pas été adoptés dans les deux langues officielles.

On ne saurait trop insister sur l'importance du bilinguisme dans notre fédération.

L'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 traite de la langue législative, parlementaire et judiciaire. Seul, parmi les quatre provinces originelles, le Québec y est mentionné. Sir Georges-Étienne Cartier voyait une parité entre le statut du français à Ottawa et de l'anglais à Québec.

L'article 133 prévoit que, dans les Chambres législatives fédérales et québécoises, chacun pourra, dans les débats, faire usage de la langue française ou de la langue anglaise et que les registres et les procès-verbaux devront être tenus dans les deux langues; que, dans tout procès devant un tribunal fédéral ou québécois, chacun pourra faire usage de l'une ou de l'autre langue dans les procédures et les plaidoyers qui y seront faits ou dans les actes de procédure qui en émaneront. Enfin, cet article rend impératives l'impression et la publication en français et en anglais des lois fédérales et québécoises.

Dans la célèbre affaire Jones, la Cour suprême du Canada a jugé que l'article 133 constituait une garantie constitutionnelle. Le Parlement fédéral ne peut aller à l'encontre des dispositions de cet article, mais rien n'empêche le Parlement d'aller au-delà du libellé de cet article, qui constitue un minimum, et d'accorder davantage. L'article 133 octroie un «droit constitutionnel» de se servir de l'une ou de l'autre langue dans les domaines et aux endroits stipulés à l'article 133.

Le Parlement du Canada, par ailleurs, a reconnu des droits statutaires après 1867. En 1968, réalisant la grande carence de la Constitution sur le plan des langues officielles, il adoptait la Loi sur les langues officielles. L'article 2 de cette loi met sur le même pied la langue française et la langue anglaise dans toutes les institutions relevant du gouvernement et du Parlement du Canada. Les deux langues ont des droits et des privilèges égaux quant à leur emploi dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.

Cette mesure de 1968 faisait suite au rapport de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme — la commission Laurendeau-Dunton — instituée par le premier ministre Lester B. Pearson. Avec l'avènement de cette loi devaient prendre forme des réformes significatives sur le plan linguistique.

Une nouvelle Loi sur les langues officielles fut adoptée en 1988.

Cette législation de 1968 et de 1988 joue un rôle capital dans la politique canadienne. D'ailleurs, dans l'arrêt Beaulac, le juge Bastarache affirme, au sujet de la Loi sur les langues officielles:

L'objectif de protéger les minorités de langue officielle, exprimé à l'article 2 de la Loi sur les langues officielles, est atteint par le fait que tous les membres de la minorité peuvent exercer des droits indépendants et individuels qui sont justifiés par l'existence de la collectivité. Les droits linguistiques ne sont pas des droits négatifs, ni des droits passifs; ils ne peuvent être exercés que si les moyens en sont fournis. Cela concorde avec l'idée préconisée en droit international que la liberté de choisir est dénuée de sens en l'absence d'un devoir de l'État de prendre des mesures positives pour mettre en application des garanties linguistiques [...].

Honorables sénateurs, je suis d'avis que le projet de loi S-41 remédie à des lacunes importantes en matière de bilinguisme législatif et/ou réglementaire. J'ose espérer que ce genre d'erreur ne se reproduira plus.

Le projet de loi S-41 ne contient aucune liste des règlements qui ne respectent pas les dispositions de l'article 133 de la Loi de 1867. Outre les cinq règlements identifiés dans le rapport du comité en octobre 1996, il est impossible de déterminer le nombre de textes législatifs qui devront être réédictés à partir soit d'un texte publié dans les deux langues officielles, soit d'une traduction de la version originale.

On peut se demander pourquoi le ministère de la Justice a attendu plus de 22 ans avant de proposer des mesures visant à corriger cette situation.

(1600)

Le rapport du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, au paragraphe 15, affirme, et je cite:

Le gouvernement a eu amplement le temps d'identifier les règlements fédéraux encore en vigueur qui ne respectent pas les exigences de l'article 133 afin de remédier à la situation. Selon le Comité, au lieu de régler le problème que pose l'existence de règlements inconstitutionnels, le gouvernement a choisi d'ignorer le problème et lorsque cela n'a plus été possible parce que le comité mixte l'avait révélé, il s'est caché derrière l'argument selon lequel sa «bonne foi» antérieure l'excuse de ne pas avoir respecté ses obligations constitutionnelles.

Cette inaction aurait pu avoir des conséquences importantes sur l'application de certaines lois fédérales et sur les droits des justiciables. Il faudra élucider ces questions lors des travaux du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

La note d'information publiée par le ministère de la Justice, le 5 mars 2002, précise que, et je cite:

Le projet de loi proposé offre une manière efficace et économique de dissiper tout doute persistant en démontrant l'engagement constant du gouvernement fédéral envers la primauté du droit, le respect de la Charte et l'importance de la dualité linguistique au Canada.

On aurait dû penser, bien avant le mois de mars 2002, à la façon de se conformer à la Constitution. Je suis néanmoins favorable à ce que nous allions de l'avant avec le projet de loi S-41, quitte à l'étudier beaucoup plus en profondeur en comité et à examiner les remèdes les plus appropriés pour corriger cette situation.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Rivest, le débat est ajourné.)

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la présence à notre tribune de M. Roch Carrier, administrateur général de la Bibliothèque nationale du Canada, et de Karen McGrath, adjointe de direction.

Bienvenue au Sénat.

Honorables sénateurs, j'attire également votre attention sur la présence à la tribune de Wilton Littlefield, ancien député de l'Alberta.

Bienvenue au Sénat.

Des voix: Bravo!

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, à la rubrique «Affaires du gouvernement», nous aimerions procéder en abordant d'abord la motion no 1, suivie des rapports de comité nos 1 et 2, pour ensuite passer à l'étude en deuxième lecture du projet de loi C-49.

LA CÉRÉMONIE DE LA SANCTION ROYALE

ADOPTION DE LA MOTION AUTORISANT LA DIFFUSION EN CHAMBRE

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 14 mars 2002, propose:

Que les caméras de télévision soient autorisées dans la Chambre pour la diffusion de la cérémonie de la sanction royale prévue le 21 mars 2002, en dérangeant le moins possible ses travaux.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

LE BUDGET DE 2001-2002

ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES SUR LE BUDGET PRINCIPAL DES DÉPENSES

Le Sénat passe à l'étude du douzième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget des dépenses, 2001-2002), qui a été présenté au Sénat le 14 mars 2002.

L'honorable Lowell Murray propose: Que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, vous constaterez que le Sénat a été saisi de trois rapports du Comité sénatorial permanent des finances nationales, deux d'entre eux portant sur l'exercice qui prendra fin ce mois-ci, et l'autre, sur le Budget des dépenses pour l'exercice commençant le 1er avril.

À moins d'y être forcé, je n'ai pas l'intention de parler des deux autres ordres. Toutefois, je parlerai maintenant du douzième rapport du comité, qui traite du Budget des dépenses de 2001-2002 et qui pave la voie au projet de loi de crédits, lequel, comme le veut la tradition, devrait être présenté sous peu.

Pour commencer, je voudrais dire un mot du travail du comité. Pendant la session en cours, il a tenu 45 séances jusqu'à maintenant. Trente-six de nos séances ont eu lieu depuis septembre dernier. Au total, cela doit avoisiner les 70 heures de délibérations. Nous avons déposé 13 rapports. Nous avons étudié cinq séries de prévisions de budget supplémentaire ou principal. Nous avons étudié trois projets de loi ministériels et un projet proposé par un sénateur. Nous avons mené à terme une étude sur l'entretien différé des établissements d'enseignement postsecondaire, question qui fait toujours l'objet de débats et attire l'attention de certains milieux, notamment les milieux de l'éducation et les gouvernements. Cette semaine, nous rendrons compte de notre étude sur le programme fédéral de péréquation.

Je signale tout cela, à titre de président, pour féliciter mes collègues du comité du sérieux et de la diligence avec lesquels ils ont accompli leur travail. Un coup d'oeil sur le registre des présences vous permettra de constater que vos collègues ont été d'une assiduité exemplaire. La composition du comité est excellente, comprenant aussi bien des sénateurs d'une grande expérience que des sénateurs relativement nouveaux. Ce seul fait a contribué à enrichir nos délibérations. Il arrive souvent que certaines questions semblent plus évidentes pour certains sénateurs d'arrivée plus récente que pour d'autres qui sont plus vieux. Quoi qu'il en soit, la composition a contribué à la grande productivité du comité.

Je tiens également à féliciter le greffier du comité, le documentaliste de la Bibliothèque du Parlement et les autres membres du personnel qui sont au service du comité. Une charge de travail aussi lourde impose un fardeau croissant aux ressources humaines limitées qui sont à notre disposition. Au nom du comité et du Sénat tout entier, je tiens à les féliciter.

Honorables sénateurs, je vais signaler dans le rapport plusieurs éléments qui seront les pièces maîtresses de notre programme dans les semaines et les mois qui suivront le congé de Pâques.

(1610)

Nous avons mentionné les éléments du crédit pour éventualités du gouvernement, qui est le crédit 5 du Conseil du Trésor. Nous en avons déjà discuté ici plusieurs fois dans le passé. Le comité est très préoccupé par l'apparente souplesse avec laquelle des ministères se permettent de se servir de ce crédit pour éventualités pour financer de nouvelles initiatives et diverses idées brillantes que le gouvernement ou des ministres croient urgent de mettre en oeuvre avec ou sans un bon débat parlementaire.

Lorsque interrogés là-dessus, le gouvernement et ses hauts fonctionnaires font valoir la légitimité historique de même que la nécessité pratique du crédit pour éventualités. Nous approuvons ces deux argumentations jusqu'à un certain point. Le crédit pour éventualités existe vraisemblablement depuis 1867. Il est nécessaire justement pour pallier les imprévus.

La question est de savoir si l'argent est bien utilisé. Le comité est en train de monter un dossier sur les utilisations plutôt limitées auxquelles le crédit pouvait servir autrefois et sur l'emploi plutôt libéral qu'on en a fait dans les temps modernes. Nous l'examinerons à fond dans les semaines et les mois à venir.

Honorables sénateurs, un autre chapitre de ce rapport traite des fondations et des organismes. On s'y dit préoccupé de ce qu'ils fonctionnent indépendamment du gouvernement et ne soient pas soumis à la surveillance financière habituelle.

Je voudrais signaler une distinction à faire. Deux organismes, soit l'Agence canadienne des douanes et du revenu et Parcs Canada, ont été créés par le Parlement à la demande instante du gouvernement. D'autres sénateurs et moi-même nous étions alors opposés à cela. Nous contestions notamment le fait que ces organismes aient été créés pour se soustraire à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et à d'autres contraintes administratives et législatives qui s'appliquent au reste du gouvernement. Nous avions contesté cela.

Toutefois, nous avons perdu la bataille. Le Parlement en a décidé autrement. Ces organismes existent. Nous n'avons nullement l'intention de revenir sur cette décision ni de reprendre ces débats. Il ne nous reste plus qu'à nous assurer que ces prétendus organismes indépendants respectent les fondements de la responsabilité parlementaire, que des ministres nous ont assuré faire partie intégrante de la loi portant création de ces organismes.

Je suis plus préoccupé, et je crois qu'il est juste de dire que le comité est davantage préoccupé, par certains des autres organismes. Certains d'entre eux ont été créés en vertu de la Loi sur les corporations canadiennes ou d'une loi du même genre et, vers la fin d'un exercice, le gouvernement met l'argent excédentaire dans ces organismes. Le Parlement finit peut-être par rattraper le processus plus tard, mais entre-temps l'argent n'est plus là. On met dans ces nouveaux organismes qui poussent comme des champignons l'argent qu'on aurait pu utiliser pour réduire la dette nationale, pour réduire les impôts ou à d'autres fins.

Ces organismes sont assez indépendants du gouvernement. Nous ne sommes jamais certains de ce qu'ils sont censés faire. Ils sont assez lents à prendre leur élan. Tout cela sent l'improvisation, mais c'est de l'improvisation qui coûte cher.

Certains de ces organismes, comme celui que nous avons mentionné l'autre jour, la Fondation Pierre-Elliott Trudeau, ont essentiellement été créés de façon privée, bien qu'il s'agisse dans ce cas d'une fondation sans but lucratif. Le Parlement ne peut pas revendiquer la paternité de ces fondations. Nous ne pouvons même pas prétendre jouer un rôle de sage-femme à cet égard. Nous sommes simplement appelés à approuver des crédits et, plus tard, une mesure législative peut-être.

Le comité veut faire un examen minutieux de ce qui se fait ici. Nous voulons déterminer si nous ne pourrions pas établir des lignes directrices régissant la création et le fonctionnement de ces organismes et, en particulier, leur obligation de rendre compte au Parlement.

La troisième question que nous avons soulevée est la réforme de la fonction publique. Encore une fois, des organismes tels que Parcs Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Agence des douanes et du revenu du Canada ont été mentionnés parce qu'ils comptent beaucoup d'employés, particulièrement l'Agence des douanes et du revenu du Canada, qui ont été soustraits à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et à ses principes directeurs. Nous voulons examiner cette question de nouveau.

Toutefois, la plus grande question est la réforme globale de la fonction publique qui a été annoncée et dont on parle beaucoup, du moins chez ceux que la question intéresse. Cela suscite une controverse plutôt cachée, dont les détails m'échappent, mais il y a clairement une divergence d'opinions au sein de la fonction publique, et peut-être au sein du gouvernement lui-même, au sujet de ce qu'on est en train de faire et de ce que cela risque de produire comme résultats.

J'en arrive à parler du principe du mérite. Certains signalent que ce principe tel que nous l'avons connu dans le recrutement de fonctionnaires disparaîtra avec cette réforme. Il se peut fort bien que certaines dispositions législatives régissant la fonction publique soient dépassées et qu'elles doivent être modifiées, mais il y a une question fondamentale qui intervient. Il y a toute la question du principe du mérite et il me semble que dans toute réforme de la fonction publique, notre objectif devrait être de renforcer ce principe, et non de l'affaiblir.

Je pense aussi qu'il faut résister à l'affaiblissement de la Commission de la fonction publique, qui me semble être un des objectifs de cet exercice. Peu m'importe que tout cela remonte effectivement à sir Robert Borden. Il y avait une bonne raison pour cela, et nous devons d'abord examiner les principes et les notions en cause avant de nous en débarrasser négligemment par souci d'efficience administrative, de modernité ou dans tout autre intérêt.

Honorables sénateurs, nous avons discuté de cela avec la ministre, Mme Robillard. Le comité devra examiner attentivement ces questions dans les semaines et les mois à venir. Je puis vous donner l'assurance que nous les examinerons attentivement et que, au moment opportun, un rapport complet sera présenté au Sénat.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Je voudrais poser une question au sénateur Murray.

L'honorable sénateur a mentionné qu'on soupçonne que le gouvernement crée de nombreuses personnes morales afin d'y injecter des fonds qui, autrement, deviendraient périmés. Il a parlé plus particulièrement d'une société privée, la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau, dont on a proposé la création et qui recevrait 125 millions de dollars. Le sénateur pourrait-il expliquer un peu plus la nature de cette fondation? Recevrait-elle des deniers publics? Serait-elle assujettie à l'examen de la vérificatrice générale?

(1620)

Le sénateur Murray: Je n'ai pas beaucoup de détails à donner à ce sujet, sauf de renvoyer mon collègue au onzième rapport du comité, qui a suivi la discussion du Budget supplémentaire (B). Au cours de cette discussion, nous avons été appelés à approuver une dépense de 125 millions de dollars pour financer la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau. Il s'agit d'une fondation privée sans but lucratif, constituée, je crois, en vertu de la Loi sur les corporations canadiennes. On nous a dit, je pense, qui étaient les administrateurs. C'étaient des personnes de différentes affiliations politiques que nous connaissons tous bien.

Au comité, l'une des questions posées aux fonctionnaires était exactement la même que celle du sénateur Kinsella: est-ce que le vérificateur général sera chargé de vérifier les comptes de la fondation? La réponse semblait être négative. Il s'agit d'une fondation privée. Le fonctionnaire a dit qu'on avait réalisé un équilibre délicat entre l'intérêt évident du gouvernement et du Parlement quant au bien-fondé des dépenses effectuées, d'une part, et l'autonomie d'une fondation de ce genre, de l'autre.

Des membres du comité avaient également demandé si la fondation serait financée à 100 p. 100 par des fonds publics ou s'il y aurait également des fonds privés. La réponse était, je crois, que la fondation accepterait des fonds aussi bien privés que publics.

Le sénateur De Bané a critiqué l'intention de la fondation de n'offrir de l'aide financière qu'à des personnes devant étudier au Canada. Il a souligné que M. Trudeau lui-même avait étudié dans un certain nombre d'établissements étrangers et que certains de nos éléments les plus brillants étudient actuellement à la London School of Economics, à Harvard et à Oxford, et que la fondation ne devrait pas limiter son aide aux seuls étudiants inscrits à des universités canadiennes.

Ces questions de fond ont été posées, de même que des questions concernant le processus de supervision parlementaire. Nous en avons donné un compte rendu dans notre onzième rapport, que j'invite mon collègue à examiner.

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots des questions soulevées par mon ami, notamment au sujet de ce que je considère comme l'organisation structurelle évolutive du gouvernement. Cette organisation a changé considérablement dans les dernières années. Personne n'y a réfléchi d'une façon systématique, mais les changements sont très marqués. Nous devons le comprendre. Nous avions traditionnellement des ministères avec un sous-ministre, parce qu'un ministère est un genre de société ayant une seule tête. Il est important de s'en rendre compte. Nous en avions jusqu'à 20 ou 25.

Soudainement, dans les cinquante dernières années, nous avons commencé à avoir, indépendamment des ministères, des organisations quasi judiciaires auxquelles nous avons donné le nom de «commissions administratives». La Commission de la fonction publique en est un exemple. Nous les voulions indépendantes du gouvernement. Nous souhaitions en même temps conférer à ces commissions administratives des pouvoirs réglementaires à certains moments et des pouvoirs judiciaires ou quasi judiciaires à des fins d'arbitrage. C'est le cas de la Commission de la fonction publique, qui a des fonctions administratives, des pouvoirs réglementaires et des pouvoirs quasi judiciaires. Plus tard, nous avons établi des organisations quasi commerciales, telles que les sociétés d'État, qui pouvaient gagner de l'argent. Tout cela fait partie du traditionnel: les ministères, les commissions administratives et les sociétés d'État.

Ensuite, avec la Loi sur la gestion des finances publiques, nous avons modifié la situation des organisations qui ne faisaient que partiellement partie de l'administration fédérale. Nous avons deux genres de sociétés d'État: les sociétés comme le CN et les établissements publics comme Statistique Canada.

Depuis dix ans, nous avons des organismes de services spéciaux, qui sont des organisations retirées de ministères pour s'occuper d'opérations administratives. Nous avons décidé de créer des organismes spéciaux fédéraux, et il nous est arrivé de les sortir complètement de la fonction publique, comme dans le cas de Parcs Canada et de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Pour moi, c'est troublant, mais je ne dis pas que c'est mauvais.

Que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de la fonction publique, certains principes devraient être retenus, comme le principe du mérite. D'autres sont inclus dans la Loi sur la gestion des finances publiques: ce sont la gestion financière, la responsabilité financière, le mérite et les concours. Le mérite n'est pas facile à juger quand on évalue des gens. La seule façon de le faire est d'ouvrir le domaine aux candidats. Nous avons ensuite un jury, nous procédons par examen écrit ou oral, puis nous décidons, relativement parlant, de la personne la plus compétente.

C'est la seule façon de le faire. Autrement, nous aurions un système de protection et, en définitive, du favoritisme. C'est l'histoire du Canada. C'était l'histoire de l'Angleterre avant 1855. C'était l'histoire des États-Unis avant 1923. Nous savons très bien ce qui se passait dans les fonctions publiques.

Sous le gouvernement de coalition de 1917, durant la Première Guerre mondiale, nous avions un système partiellement fondé sur le système britannique. Il comprenait une Commission de la fonction publique, organisme administratif extérieur au gouvernement qui jugeait le mérite des gens qui entraient dans la fonction publique. C'était l'idée. Elle n'a pas marché trop mal au début. Les gens n'y étaient pas habitués parce qu'il est difficile de changer les traditions d'un seul coup. Il y a eu différents cas de favoritisme. Enfin, une commission royale a décidé en 1935 que le pouvoir de nomination devait être conféré à la Commission de la fonction publique elle-même. Autrement, on ne pouvait pas échapper aux amis des ministres, aux pressions exercées par les députés et, finalement, à la pagaille. L'administration publique n'est pas très bonne dans cette situation.

Bien que cela ne se fasse pas ouvertement, parce que les hauts fonctionnaires sont discrets, il y aurait de grandes discussions au gouvernement entre le Conseil privé, le Conseil du Trésor, la Commission de la fonction publique et les ministères. Certains, probablement du Conseil du Trésor, veulent avoir tout le pouvoir administratif de réglementation de la fonction publique. Ils contrôlent déjà les «conditions de travail», comme les conventions collectives, mais ils veulent aussi pouvoir déléguer la sélection aux ministères.

Nous devrions être très prudents, honorables sénateurs. Si nous faisons cela, nous devons inscrire dans les dispositions législatives de chaque ministère le fait qu'il existe un système de mérite avec des concours pour engager les gens et leur donner de l'avancement. Si nous inscrivons les principes de gestion financière de la Loi sur la gestion des finances publiques dans les dispositions législatives de chaque ministère, je n'y verrais aucun inconvénient parce que nous aurions alors une garantie. Si quelqu'un ne se conforme pas à la réglementation, il sera jeté dehors. Toutefois, n'oublions pas que nous devons avoir des principes dans l'administration publique. Autrement, ce serait la pagaille. L'histoire le prouve. Je ne m'attarderai pas sur ce point, mais je sais qu'il suscite un débat. La tension est très forte, à la Commission de la fonction publique.

(1630)

Honorables sénateurs, je connais un homme qui s'intéresse à ces questions depuis 1935. Je l'ai connu à l'époque où j'étais jeune homme, à une époque où je m'y intéressais moi aussi. Cet homme siégeait sur les banquettes d'en face. Il s'agit du député Jean-François Pouliot, de Rivière-du-Loup. Il a siégé à une commission royale d'enquête. J'ai passé en revue le rapport de cette commission et c'était plein d'anecdotes; en matière de favoritisme, c'est de l'histoire à son meilleur. Le problème a été décrit comme jamais personne ne pourrait le décrire. Nous avons remédié au problème immédiatement après, parce que le gouvernement de Mackenzie King l'a accepté. C'était le début d'une ère nouvelle et d'une fonction publique du Canada de meilleure qualité.

Son Honneur le Président: Je signale aux honorables sénateurs que si le sénateur prend la parole maintenant, son intervention aura pour effet de clore le débat sur cette motion.

[Français]

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, je profite de la présence de M. Carrier dans nos tribunes pour signaler que le comité prend très au sérieux les problèmes que M. Carrier et son personnel éprouvent à la Bibliothèque nationale.

Notre ami, le sénateur Corbin, a soulevé la question à plusieurs reprises et avec insistance devant le comité. J'aimerais attirer votre attention tout simplement sur un paragraphe du rapport provisoire sur le budget de 2002-2003 débutant le 1er avril et je cite:

Des sénateurs ont posé des questions sur le financement de la Bibliothèque nationale. À la page 18-3, on constate que le budget de celle-ci n'est augmenté que de 489 000 $ pour passer à 36,7 millions de dollars en 2002-2003. Pourtant, l'administrateur général de la Bibliothèque a signalé que la qualité des installations qui abritent les collections se détériore sérieusement. Les sénateurs ont été consternés d'apprendre que les installations laissent tant à désirer que les risques d'inondation et d'incendie sont constants. À la lecture du Budget, ils ont l'impression que rien n'est fait pour répondre aux voeux de l'administrateur général et remédier aux problèmes qui causent des dommages à des documents inestimables. M. Bickerton a admis l'existence du problème à la Bibliothèque nationale et a dit au Comité que la Bibliothèque nationale avait récemment demandé un milliard de dollars de ressources additionnelles. Il prévoit que les sommes allouées pour corriger les problèmes précités paraîtront dans le prochain budget supplémentaire. Il n'a pas pu dire si le montant demandé serait suffisant pour mettre un terme aux problèmes, mais il a affirmé que le Conseil du Trésor avait pour politique d'encourager les ministères et organismes à préparer des plans de dépenses en immobilisations prévoyant les réparations et l'entretien de leurs installations.

J'ignore si M. Carrier trouve ces assurances rassurantes, mais, j'ai cru bon de les inscrire aux débats de ce jour.

[Traduction]

J'espère qu'il sera réconforté par le rapport, par les témoignages des fonctionnaires du Conseil du Trésor et par la détermination avec laquelle notre collègue et ami le sénateur Corbin a attiré l'attention du comité et du Sénat sur ces questions.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

PROJET DE LOI D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 2001

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi C-49, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 10 décembre 2001, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'interviens pour traiter du projet de loi C-49 à l'étape de la deuxième lecture.

Si je puis, honorables sénateurs, je dois vous dire que je me suis laissée distraire par les observations fort intéressantes du sénateur Bolduc et du sénateur Murray. Comme à chaque fois, j'ai été touchée et impressionnée par la qualité et l'étendue des connaissances des personnes qui font partie du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Le projet de loi C-49 prévoit mettre en oeuvre de nombreuses mesures contenues dans le budget présenté par le ministre Paul Martin, le 10 décembre 2001. Entre autres, deux de ces mesures font directement suite aux attentats terroristes perpétrés le 11 septembre 2001, aux États-Unis. La Première prévoit la création de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, chargée de fournir des services de sécurité améliorés dans les aéroports canadiens et à bord des avions. La deuxième mesure porte sur le droit que le gouvernement prévoit imposer au titre de la sécurité du transport aérien pour financer le resserrement des mesures de sécurité destinées à assurer la protection des passagers.

Qui plus est, le projet de loi C-49, s'il est adopté, entraînera la création du Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique et du Fonds canadien pour l'Afrique, la mise en oeuvre de mesures fiscales pour favoriser l'acquisition de compétences et de connaissances; l'amélioration de l'environnement et l'instauration d'une plus grande équité dans le régime fiscal. Enfin, le projet de loi propose d'améliorer les prestations parentales en vertu du programme d'assurance-emploi.

Honorables sénateurs, d'entrée de jeu, je donne un bref aperçu des mesures contenues dans le discours du budget de 2001. Le budget de 2001 repose sur le plan à long terme du gouvernement qui vise à renforcer l'économie et à assurer la sécurité et la protection des citoyens. Le projet de loi C-49 répond aux préoccupations des Canadiens sur les plans de l'économie et de la sécurité, suite aux événements du 11 septembre.

Au chapitre de la sécurité personnelle des Canadiens, et particulièrement des utilisateurs du transport aérien, le budget de 2001 propose une nouvelle approche en matière de sécurité aérienne et des mesures particulières sur les renseignements de sécurité, la surveillance policière, les préparatifs d'urgence et le déploiement militaire de même que sur le contrôle des visiteurs, des immigrants et des réfugiés qui entrent au Canada par les aéroports.

Pour assurer la sécurité économique des Canadiens, le budget 2001 a présenté le plan à long terme du gouvernement qui comporte des mesures visant à améliorer l'ouverture et l'efficacité des frontières entre le Canada et les Etats-Unis. Ce plan à long terme prévoyait également des investissements stratégiques au chapitre de la santé, de l'acquisition de compétences, de l'apprentissage et de la recherche, de l'infrastructure stratégique, de l'environnement, des enfants autochtones et de l'aide internationale. Toutes ces propositions sont abordables, compte tenu de la situation financière du Canada. Le projet C-49 comprend plusieurs de ces mesures.

Honorables sénateurs, je vais entrer dans le vif du sujet en parlant de la nouvelle et nécessaire approche du gouvernement en matière de sécurité aérienne, notamment le projet d'établissement d'un nouvel organisme, l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Comme le savent les honorables sénateurs, le budget de 2001 a annoncé des crédits de 2,2 milliards de dollars pour le financement de la future Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Cet organisme sera chargé de fournir plusieurs services essentiels afin d'assurer la sécurité du transport aérien. Il sera tenu de montrer que des services uniformes, efficaces et très professionnels sont offerts selon les normes fixées par la réglementation fédérale et même mieux. Transports Canada continuera de réglementer la prestation de ces services de sécurité. Ce ministère consacrera de nouvelles ressources, notamment en embauchant du personnel de contrôle additionnel, en haussant le niveau de sécurité dans le système de transport aérien, en ajustant les exigences au besoin et en assurant la conformité à des normes élevées grâce à un programme d'exécution amélioré. Cette nouvelle séparation entre la prestation des services et le contrôle réglementaire respectera la distinction entre les deux fonctions et améliorera les freins et contrepoids dans le système.

(1640)

Honorables sénateurs, l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien a principalement pour mission de fournir un service uniforme et efficace de contrôle de toutes les personnes, ainsi que des biens en leur possession, qui ont accès à un aéronef ou à une zone réglementée dans les aérodromes désignés. Pour la prestation de ces services de contrôle, le nouvel organisme aura le pouvoir soit de recruter et d'affecter ses propres agents de contrôle soit de prendre des arrangements et conclure des ententes pour la prestation locale de services avec des agences de sécurité ou encore d'autoriser les exploitants d'aérodrome à fournir ces services.

Le nouvel organisme aura le pouvoir de certifier tous les fournisseurs de services de contrôle et les agents de contrôle, peu importe leur employeur, en fonction de critères qui sont au moins aussi sévères que les normes établies dans les règlements de Transports Canada.

Cette nouvelle administration aura le pouvoir d'établir une politique contractuelle précisant les normes minimales à respecter pour permettre aux agents de contrôle de faire efficacement leur travail, par exemple, en ce qui concerne les salaires ou les horaires de travail, même si l'agent de contrôle n'est pas un employé de l'administration. Les avantages se traduiront par des mécanismes de contrôle plus souples, la participation du secteur privé et une plus grande sensibilité aux besoins locaux, en même temps que par une plus grande cohérence des services de contrôle dans tout le pays. En faisant appel aux divers mécanismes disponibles, l'administration sera en mesure de mettre en place une main d'oeuvre qualifiée et bien formée.

Honorables sénateurs, en plus de l'octroi de certificats et du contrôle avant l'embarquement, l'administration sera responsable de l'acquisition, du déploiement et de l'entretien du matériel classique de contrôle avant embarquement dans les aéroports, y compris les systèmes de détection des explosifs, de la contribution fédérale aux services de police dans les aéroports relativement aux mesures de sécurité de l'aviation civile et de la conclusion d'accords avec la GRC pour le placement d'agents armés à bord des appareils.

L'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien sera une société d'État qui rendra compte au Parlement par l'intermédiaire du ministre des Transports. Deux des 11 administrateurs seront nommés par les représentants des transporteurs aériens et deux autres seront nommés par les représentants des exploitants d'aérodromes.

Grâce à la création de cette nouvelle administration, les Canadiens seront assurés d'un contrôle efficace, efficient et cohérent dans les aéroports. La mise en place de cette administration ainsi que d'autres initiatives de grande portée prévues dans ce budget permettront au Canada de maintenir son bon palmarès dans le domaine de la sûreté et de la sécurité et de réussir dans ses efforts en vue d'accroître la sécurité des transports aériens au cours des prochains mois et des prochaines années.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-49 énonce une autre proposition d'une grande portée. Il s'agit du droit pour la sécurité du transport aérien. Les nouvelles mesures de sécurité du transport aérien seront financées par ce droit, lequel sera payé directement par les voyageurs, qui sont les principaux bénéficiaires des nouvelles mesures. Ce droit sera perçu par les transporteurs aériens ou leurs agents au moment de l'achat des billets. Le gouvernement estime que ces coûts devraient être assumés par les utilisateurs du réseau de transport aérien canadien plutôt que par tous les contribuables.

Pour les voyages au Canada, ce droit s'appliquera aux vols assurant la liaison entre les aéroports où l'Administration canadienne de la sécurité du transport aérien assume la responsabilité du contrôle des passagers. Le droit perçu pour les voyages intérieurs sera de 12 $ pour un aller simple et de 24 $ pour un aller-retour. Pour les voyages sur le territoire continental des États-Unis, le droit sera de 12 $ et de 24 $ pour un voyage à l'extérieur du Canada dans la zone continentale des États-Unis. Le nouveau droit ne s'appliquera pas aux vols directs en direction ou en provenance des petits aéroports éloignés où l'autorité portuaire n'assumera pas la responsabilité du contrôle des passagers. Cela est important. On prévoit aussi des exemptions du droit pour les services spécialisés comme les services d'ambulance aérienne. Toutes les recettes serviront à financer le système de sécurité du transport aérien amélioré. Le gouvernement reverra le droit sur une base annuelle à compter de l'automne 2002, et le droit sera réduit si les recettes dépassent les coûts au fil du temps.

Honorables sénateurs, le budget déposé en décembre 2001 répond aussi aux besoins immédiats des Canadiens par le truchement d'investissements ciblés destinés à stimuler la confiance dans l'économie, d'une manière s'inscrivant dans le cadre financier prudent du gouvernement. En investissant dans l'infrastructure stratégique, dans les compétences, dans l'apprentissage, dans la santé, dans les enfants autochtones, dans l'environnement et dans l'aide internationale, le budget de 2001 reflète la vision à long terme du gouvernement tout en offrant un important soutien à l'ensemble de l'économie.

Plusieurs de ces investissements stratégiques sont compris dans le projet de loi C-49. Le premier est l'investissement dans l'infrastructure. Il comprend la création du Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique, doté d'une contribution fédérale d'au moins 2 milliards de dollars, pour aider à réaliser davantage de grands projets d'infrastructure stratégique dans tout le Canada. Ces projets entraîneront des retombées socioéconomiques durables, tout en stimulant la croissance et la productivité à long terme. Les budgets précédents prévoyaient des fonds pour améliorer l'infrastructure provinciale et municipale, y compris l'infrastructure écologique, les routes et la construction de logements abordables.

Réflexion faite, le budget de 2000 avait présenté le programme Infrastructures Canada et le Programme stratégique d'infrastructure routière, initiatives que le budget de 2001 renforce avec le Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique. Avec la collaboration des provinces, des municipalités et du secteur privé, ce fonds aidera à réaliser des projets dans des secteurs comme les routes et les voies ferrées, les transports locaux, le tourisme, le développement urbain, l'épuration des eaux et le traitement des eaux usées. Je devrais également mentionner que le ministre chargé de l'Infrastructure sera désormais responsable de toutes les initiatives gouvernementales portant sur l'infrastructure, ce qui garantira une meilleure coordination et une meilleure intégration de toutes les activités du gouvernement à cet égard.

Honorables sénateurs, un autre investissement stratégique prévu dans le budget de 2001 est la création du Fonds canadien pour l'Afrique. Le budget de 2001 avait annoncé l'injection de 500 millions de dollars sur trois ans pour favoriser le développement de l'Afrique, pour mettre en oeuvre une proposition appelée Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique. Les dirigeants africains ont présenté leur proposition au sommet du G-8, qui s'est tenu à Gênes en juillet dernier, et les dirigeants du G-8, dont le premier ministre Jean Chrétien, se sont engagés à appuyer cette initiative. Depuis lors, le premier ministre s'est engagé à faire du développement de l'Afrique un thème clé du sommet du G-8 dont le Canada sera l'hôte cette année, en juin 2002, à Kananaskis, en Alberta.

Le Fonds canadien pour l'Afrique permettra d'établir un programme gouvernemental servant à financer des activités qui contribueront à réduire la pauvreté, à offrir un enseignement primaire en Afrique et à mettre l'Afrique sur une voie durable vers un avenir meilleur. La création de ce fonds réaffirme la ferme volonté des Canadiens d'aider des gens moins favorisés dans le monde. Elle fait également écho à une déclaration qui a été faite dans le discours du Trône: le bien-être à long terme du Canada et des Canadiens dépend de leur succès dans l'amélioration de la sécurité, de la prospérité et du développement de la population mondiale.

Honorables sénateurs, que ce soit au moyen du système d'éducation ou de la formation en cours d'emploi, des universités et d'autres centres de recherche avancée, le gouvernement du Canada reconnaît depuis longtemps l'importance d'investir dans les ressources humaines. Le gouvernement maintient son engagement à fournir aux Canadiens toutes les occasions de perfectionner leurs compétences et leurs habiletés professionnelles. Par exemple, dans le cadre de la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances annoncée dans le budget 1998, le gouvernement a mis en place les Bourses d'études canadiennes du millénaire, la Subvention canadienne pour l'épargne-études et le Programme des chaires de recherche du Canada, et il a investi dans la Fondation canadienne pour l'innovation, entre autres.

Honorables sénateurs, le budget de 2001 mise sur ces initiatives et encourage encore plus l'acquisition de compétences et de connaissances en modifiant le régime fiscal. Premièrement, une aide fiscale est prévue pour les apprentis en mécanique automobile qui doivent assumer des coûts faramineux. À compter de cette année, soit 2002, les apprentis en mécanique automobile inscrits à un programme provincial pourront déduire le coût d'acquisition de nouveaux outils en une année, pourvu que ce coût ne dépasse pas 1 000 $ et 5 p. 100 de leur revenu d'apprenti.

(1650)

Deuxièmement, une mesure vise les étudiants adultes qui doivent aujourd'hui inclure dans leur revenu toute aide gouvernementale dont ils bénéficient pour acquitter leurs droits de scolarité au niveau primaire ou secondaire. Le projet de loi C-49 éliminera cet obstacle en exemptant de l'impôt les droits de scolarité pour les adultes inscrits à certains programmes gouvernementaux, y compris l'assurance-emploi.

Troisièmement, une mesure concerne le crédit d'impôt pour études et aide les étudiants à payer leurs frais d'études. Le document Énoncé économique et mise à jour budgétaire d'octobre 2000 a doublé les montants sur lesquels le crédit est calculé. Grâce à l'adoption du projet de loi C-49, le crédit d'impôt pour études sera élargi aux étudiants qui reçoivent une aide financière pour des études postsecondaires dans le cadre de certains programmes de formation gouvernementaux, y compris l'assurance-emploi. Quelque 65 000 Canadiens qui sont en train de perfectionner leurs compétences auront désormais accès aux mêmes avantages fiscaux que les autres étudiants du niveau postsecondaire.

Honorables sénateurs, le budget de 2001 prévoyait également de nouvelles dépenses et mesures fiscales qui visaient à garantir l'assainissement constant de notre environnement. Une telle mesure concerne les propriétaires de boisés commerciaux qui sont peut-être assujettis aujourd'hui à l'impôt sur le revenu quand ils transfèrent ces terres à leurs enfants. Il faut parfois couper prématurément ces boisés afin de produire les recettes nécessaires pour acquitter l'impôt sur le transfert, ce qui nuit à la saine gestion de cette ressource naturelle. Le projet de loi C-49 propose d'étendre le report d'impôt en cas de transferts entre générations de biens agricoles aux transferts entre générations de boisés commerciaux qui constituent des entreprises agricoles et qui sont gérés conformément à un plan de gestion forestière.

Le budget de décembre 2001 renfermait également d'autres mesures fiscales ayant toutes pour objet d'améliorer l'équité du régime fiscal. Ainsi, il est question de rendre permanente la mesure budgétaire de 1997 octroyant une aide fiscale spéciale pour le don de certains titres à des organismes de bienfaisance publics, ainsi que la mesure budgétaire de 2000 réduisant l'impôt sur les prestations d'emploi pour le don de certains titres acquis au moyen de régimes d'options d'achat d'actions. Une autre mesure vise à améliorer le régime des crédits pour TPS. À compter de juillet 2002, le droit aux crédits pour TPS pour un trimestre sera fondé sur les circonstances familiales à la fin du trimestre précédent, et non à la fin de l'année civile précédente.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-49 comprend les autres mesures fiscales suivantes. Pour que les petites entreprises bénéficient de liquidités, les acomptes provisionnels d'impôt des sociétés pour janvier, février et mars 2002 seront reportés d'au moins six mois sans pénalité. De plus, il sera possible de déduire pleinement le coût des repas fournis aux employés des campements de travailleurs de la construction qui ne peuvent retourner chez eux chaque jour. En outre, on va supprimer les obstacles fiscaux aux placements de capital de risque au Canada au moyen de partenariats entre les régimes de pensions canadiens et des investisseurs étrangers.

Honorables sénateurs, la dernière mesure prévue dans le projet de loi C-49 va améliorer encore davantage les prestations parentales dans le cadre du programme d'assurance-emploi. Actuellement, la durée limite de 50 semaines des prestations combinées de maladie, de maternité et des prestations parentales dans le cadre du programme d'assurance-emploi fait en sorte qu'une femme qui tombe malade n'a pas droit au plein montant des prestations complémentaires. Afin de permettre aux mères de famille de recevoir le plein montant des prestations spéciales, la période de prestations sera accrue d'une semaine pour chaque semaine de prestations de maladie qu'une femme reçoit pendant sa grossesse ou pendant qu'elle touche des prestations parentales. Ce projet de loi va également améliorer les prestations parentales que des parents peuvent demander après la naissance ou l'adoption d'un enfant en prévoyant un délai pouvant aller jusqu'à deux ans pour que les parents fassent leur demande de prestations. Dans les cas regrettables où l'enfant est hospitalisé pendant une période prolongée à la suite de sa naissance ou de son adoption, ce changement donnera plus de souplesse aux parents qui veulent commencer à réclamer des prestations parentales une fois que l'enfant arrive à la maison.

Je conclurai en disant que le budget de 2001 capitalise sur la solidité des facteurs économiques et financiers fondamentaux du Canada. L'impulsion économique fournie par le budget s'ajoute à celle des importantes réductions d'impôts annoncées par le gouvernement en octobre 2000.

Dans le budget de l'an 2000, le gouvernement avait annoncé les réductions d'impôt les plus importantes de toute l'histoire canadienne. En octobre 2000, il a accéléré la mise en oeuvre de ces réductions. Cette année, les impôts réduits ont remis 17 milliards de dollars dans les goussets des familles et des entreprises canadiennes, c'est-à-dire de l'argent dont elles avaient bien besoin et qu'elles pourront dépenser ou épargner à leur guise. D'ici l'année prochaine, la valeur des réductions d'impôt atteindra 20 milliards de dollars. Voilà un important stimulus qui a déjà un impact sur l'économie.

Le budget de 2001 a atteint l'équilibre parfait. Il a procuré un certain appui à un moment crucial, mais sans mettre en péril les progrès réalisés par rapport au passé ou les perspectives d'avenir. Le gouvernement continuera d'investir dans les gens, de réduire les impôts et la dette et de renforcer l'économie. Cependant, nous n'allons pas retomber dans une situation de déficit.

Honorables sénateurs, le gouvernement est définitivement sur la bonne voie. Je prie tous les sénateurs d'appuyer le projet de loi C-49.

[Français]

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, il est évident que le projet de loi d'exécution du budget de 2001 traite d'une variété de sujets, les principaux étant la nouvelle société de la Couronne pour l'administration de la sécurité aérienne, les droits pour le transport aérien, le nouveau fonds pour l'Afrique et le Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique.

De six à huit secteurs de la Loi de l'impôt sur le revenu sont touchés. Je ne traiterai pas de tout aujourd'hui et puisqu'il n'y aura pas beaucoup de discussions sur les amendements concernant l'impôt sur le revenu, je concentrerai l'essentiel de mes critiques sur quatre points, le premier étant la taxe sur le transport aérien.

[Traduction]

Le nouveau droit de 12 $ pour un trajet simple et de 24 $ pour un aller-retour est de loin la mesure la plus litigieuse. Le montant est beaucoup plus élevé que nécessaire. Cette mesure affectera le transport aérien qui ne devrait pas l'être et le gouvernement ne s'est même pas penché sur tous les inconvénients économiques possibles.

Honorables sénateurs, en décembre, le gouvernement a annoncé qu'il prenait le contrôle de la sécurité dans les aéroports et il a imposé cette taxe de 12 $ pour couvrir les coûts de l'administration et de l'amélioration de la sécurité. On nous avait promis que cette taxe couvrirait ces coûts et rien d'autre. Comment le gouvernement a-t-il décidé que cette somme de 12 $ conviendrait? Nous savons que les fonctionnaires du ministre ont calculé le nombre de voyageurs qui avaient pris l'avion en l'an 2000, ont soustrait 30 p. 100 du total et ont présumé que le nombre de voyageurs ne dépasserait pas ce chiffre réduit au cours des cinq prochaines années. Ensuite, ils ont divisé la somme totale requise par ce petit dénominateur. Or, en réalité, le nombre de passagers dans les avions est presque redevenu ce qu'il était avant le 11 septembre. Cette taxe pourrait donc générer un milliard de dollars en recettes supplémentaires au cours des cinq prochaines années si on ne la réduit pas considérablement.

Je suis désolé, mais je ressens le besoin de dire que le gouvernement ne devrait pas se servir des événements du 11 septembre pour accroître son excédent. Il refait ce qu'il a fait avec l'assurance-emploi, en imposant un genre de taxe spécialement affectée, mais affectée à rien de particulier.

Il n'y a rien dans le projet de loi C-49 qui précise que les recettes provenant de ce droit doivent correspondre aux frais associés à la sécurité dans les aéroports. Rien n'oblige le gouvernement à réduire le droit s'il perçoit trop d'argent. Naturellement, le gouvernement promet de réexaminer la situation et de revoir ce droit à la baisse au besoin. Cette promesse a été faite en désespoir de cause au moment où l'un des députés libéraux siégeant au Comité des finances de l'autre endroit s'apprêtait à trancher la question, en votant en faveur de la réduction du droit. Vous souvenez-vous de la promesse d'abolir la TPS? On attend toujours.

Honorables sénateurs, au-delà des calculs un peu boiteux effectués pour établir le montant du droit pendant les délibérations du comité de l'autre endroit, on a appris que le gouvernement a fait faire une nouvelle évaluation des impacts économiques avant d'annoncer l'imposition de ce droit. Le ministre des Finances voudra peut-être prendre quelques instants pour lire les lignes directrices du Conseil du Trésor obligeant tous les ministères et toutes les agences à effectuer une évaluation des impacts avant d'établir ou de modifier des frais d'utilisation.

Le gouvernement a peut-être omis de tenir compte des répercussions néfastes que ce droit pourrait avoir, mais les problèmes sont évidents. Il y a la question des services aux localités éloignées, à des endroits comme Sandpit, en Colombie-Britannique, ou les Îles-de-la-Madeleine, au Québec, où le transport aérien est le seul mode de transport fiable offert toute l'année.

(1700)

Honorables sénateurs, pour ceux qui habitent dans la région de la capitale nationale, il faut 20 minutes en voiture pour emmener son enfant de Kanata, de Hunt Club, de Hull ou d'Orléans à l'Hôpital pour enfants de l'est de l'Ontario. Si on habite à Kuujjuaq, au Québec, ce n'est pas la peine de songer à emmener son enfant à Québec ou à Montréal en voiture. Il faut que l'enfant et son père ou sa mère prennent l'avion, et ils devront payer 48 $ de plus.

Il faut aussi tenir compte de l'effet de cette taxe sur la demande. Sur un billet aller-retour de 2 000 $ entre Edmonton et Ottawa, 24 $ ne font pas une grande différence. Mais il y en a toute une s'il s'agit d'une place à 200 $ sur la liaison entre Ottawa et Toronto. Sauf pour les fonctionnaires, bien sûr, puisque le gouvernement paie le billet. Le gouvernement s'impose à lui-même une taxe.

Plusieurs transporteurs qui desservent de petites localités ont dit que cela risque de beaucoup décourager les vols sur courte distance, et ils ont raison. Si vous voyagez avec votre femme d'Ottawa à Toronto, d'Edmonton à Calgary ou de Regina à Saskatoon à vos propres frais, il vous en coûtera 48 $ de plus. C'est presque l'équivalent du coût de l'essence pour faire le trajet en voiture ou, avec une assez petite voiture, pour faire l'aller-retour. Vous songerez à faire le voyage en voiture.

Certains vont songer à prendre l'autocar. Entre Montréal et Toronto, le billet aller-retour coûte 165 $, taxes comprises. Si le voyageur soucieux de son budget réserve une semaine à l'avance, il obtient le deuxième billet gratuitement. Dans le couloir Québec-Ontario, il y a aussi VIA Rail. Le billet de train en classe économique, entre le centre-ville de Montréal et le centre-ville de Toronto, coûte 235 $, toutes taxes comprises et, si on achète le billet assez longtemps à l'avance, le prix toutes taxes comprises est de 142 $.

Honorables sénateurs, aucune compagnie aérienne ne peut égaler les prix offerts par les sociétés de transport ferroviaire et par autocar après inclusion de toutes les taxes et de tous les droits imposés par NAV CANADA. Si vous ajoutez le temps nécessaire pour vous rendre à l'aéroport, vous enregistrer et franchir les contrôles de sécurité, ainsi que le temps exigé pour récupérer vos bagages une fois rendus puis pour emprunter un taxi jusqu'au centre-ville, vous constaterez que vous avez dépensé beaucoup d'argent pour éviter quelques heures de déplacement. C'est donc dire qu'avec des droits supplémentaires de 24 $ frappant les vols courte distance, beaucoup de voyageurs abandonneront l'avion et emprunteront plutôt l'automobile, l'autocar et le train, au détriment de la concurrence et des sociétés aériennes.

Si le gouvernement souhaite réellement qu'il y ait de la concurrence dans l'industrie aérienne, il n'agit pas de façon très sage en réduisant le marché de façon que les vols court-courrier ne permettent plus l'existence de deux transporteurs. Le gouvernement a refusé d'envisager un autre modèle que le forfait de 12 $, peu importe la distance parcourue. Ce tarif est simplement trop élevé pour les vols courte distance. Qui plus est, le gouvernement n'a pas envisagé d'autre solution permettant d'adopter une taxe moins élevée. À titre d'exemple, il veut que la taxe serve à payer le coût du matériel l'année où l'on en fait l'acquisition, au lieu de permettre que le coût en soit amorti sur la durée utile. Cette seule mesure permettrait de ramener la taxe à 8 $.

Le ministre des Transports nous apprend maintenant que les compagnies aériennes peuvent neutraliser la taxe en réduisant leurs prix pour tenir compte des économies liées au fait que le gouvernement exploite le système de transport. Cette économie, soit quelque 70 millions de dollars par année, représente environ 2 $ par billet.

Comme on l'a précisé, un autre problème tient au fait que cette taxe, selon la formulation actuelle de la mesure législative, s'appliquera à des vols où il n'y a pas de mesures de sécurité. À titre d'exemple, il n'est pas inhabituel que les passagers d'un vol nolisé soient conduits par autocar jusque sur l'aire de trafic et amenés directement à leur avion en attente. On trouve aussi un autre exemple à l'Aéroport international de Vancouver. Il y a là l'aérogare principale où bon nombre d'entre nous sont passés à un moment donné ou l'autre. Il y a aussi l'aérogare sud, située à deux kilomètres de l'aérogare principale. Cette aérogare est le point de départ des petits avions et des vols nolisés. Vous entrez par une porte et vous sortez par l'autre pour vous rendre à votre avion sans avoir à franchir un poste de sécurité. Le projet de loi actuel s'applique à l'aérogare sud à moins que le ministre convienne de renoncer à l'application de la taxe comme il l'a déjà fait dans le cas des vols entre le port de Vancouver et le port de Victoria. Pourquoi le projet de loi C-49 n'accorde-t-il pas ce genre de pouvoir discrétionnaire au ministre au lieu de préciser simplement qu'aucune taxe ne s'applique si aucun service de sécurité n'est fourni?

Les modalités d'application de la taxe dans le cas d'un même voyage exigeant de faire affaire avec deux transporteurs aériens qui n'ont pas un système de billetterie intégré poseraient un autre problème. Les passagers devront payer la taxe sur le billet au premier transporteur, puis une seconde fois au transporteur suivant. Ils devront ensuite demander un remboursement, n'ayant subi la procédure de sécurité qu'une seule fois.

Honorables sénateurs, cette taxe n'a pas été bien pensée. Elle devrait être revue, car elle engendrera des inconvénients inutiles.

Voici un autre argument, qui me semble juste. Le gouvernement a opté pour le taux uniforme en raison de son apparente simplicité, mais la modification de systèmes de réservations informatiques complexes s'est révélée une tâche ardue. La taxe de vente provinciale, le point d'achat du billet, le nombre d'étapes dans un même voyage et les aéroports de départ et d'arrivée sont autant de facteurs qui doivent être pris en compte. Or, le gouvernement n'a même pas encore réglé le problème fondamental des modalités de perception de la taxe. Nous risquons donc d'être confrontés à certains problèmes, comme cela s'est produit dans le cas de l'allocation pour l'huile à chauffage.

Les décisions ont été prises de façon subite en janvier, pour que les mesures puissent être appliquées à la fin de mars. Les fonctionnaires travaillent fort et s'efforcent d'être efficaces, mais il n'est pas aisé de mettre en place un nouveau système pour l'ensemble du Canada. Nous risquons d'avoir des problèmes, mais j'espère que ce ne sera pas le cas. Le Canada compte plus de 125 aéroports. Je ne sais pas s'ils ont tous des services de sécurité. Que se passera-t-il dans le cas des avions privés et des vols affrétés? Par exemple, comment cela affectera-t-il le Sénateur Watt dans ses déplacements?

Nous avons tous pris conscience, ces dernières semaines, des problèmes que pose le projet de taxe d'aéroport. Au cours des cinq prochaines années, cette taxe pourrait rapporter jusqu'à un milliard de dollars de plus que ce qu'on avait prévu en décembre dernier, parce que le ministre des Finances a fait des prévisions plutôt pessimistes quant au nombre de passagers dans le calcul du montant de la taxe à percevoir pour lever 450 millions de dollars par année. C'est à se demander à quel point on peut se fier aux autres chiffres provenant de ce ministère.

Cette taxe proposée pourrait nuire à la concurrence et réduire le service sur les vols de courte distance, là où il en coûte moins cher de se déplacer en autocar, en auto ou en train. La taxe aura des répercussions non seulement sur l'économie mais sur les régions. Les taxes et surtaxes représenteront près de la moitié des coûts de certains vols sur courte distance. Le gouvernement n'a pas tenu compte de ses propres lignes directrices.

Quant au second aspect de ce projet de loi, le plus gros de l'argent que rapportera cette taxe servira à payer les dépenses de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, une nouvelle société que le gouvernement projette de créer pour s'occuper de la sécurité dans les aéroports. Ces dernières années, nous, de l'opposition, sommes préoccupés par les piètres structures de l'autorité que le gouvernement met parfois en place lorsqu'il crée des organismes et des fondations.

Il faut évaluer ce nouvel organisme de sécurité proposé en fonction de deux critères. D'abord, compte tenu de la somme d'argent qu'il va dépenser, soit essentiellement la part du lion des recettes tirées de la taxe de 12 $ le billet, la structure de l'autorité sera-t-elle en mesure de protéger l'argent des contribuables et d'améliorer la sécurité dans les aéroports? Ensuite, les Canadiens disposeront-ils de suffisamment de mécanismes pour s'assurer que l'organisme améliore nettement la sécurité dans les aéroports et n'est pas devenu une autre inutilité coûteuse?

À cet égard, le cadre législatif prévu dans le projet de loi C-49 est insuffisant dans un certain nombre de secteurs. Voyons d'abord ce que le gouvernement peut cacher. Conformément à l'article 32 du projet de loi, le ministre peut bloquer le dépôt devant une Chambre du Parlement de renseignements qui seraient autrement exigés conformément à l'article 10 de la Loi sur la gestion des finances publiques s'il estime que le dépôt de ces renseignements nuirait à la sécurité publique. Je comprends qu'un compromis s'impose au nom de la sécurité publique, mais le ministre pourrait prétexter la sécurité publique pour cacher d'autres choses peu intéressantes du point de vue de la gestion administrative. Nous savons tous cela.

Cela touche trois types de renseignements. Il y a d'abord les lignes directrices du Cabinet à l'endroit de l'entité, à l'endroit de l'administration. Il y a ensuite les problèmes importants qui surgissent au cours de la vérification annuelle que le vérificateur général estime devoir porter à l'attention du Parlement en les incluant dans le rapport annuel de l'organisme. Enfin, il y a les problèmes importants qui sont cernés au cours de l'examen spécial et que le vérificateur général estime devoir figurer dans le rapport que l'organisme présente chaque année au Parlement.

Honorables sénateurs, les examens spéciaux des sociétés d'État sont l'équivalent des vérifications de l'optimisation des ressources des ministères. La loi oblige les sociétés d'État à se soumettre à un examen spécial tous les cinq ans. Cet examen vise à donner au conseil d'administration un point de vue indépendant sur la pertinence des systèmes d'information et des contrôles financiers et de la gestion de la société d'État. En pratique, les problèmes doivent être vraiment sérieux pour que le vérificateur général en fasse rapport au Parlement. Cela arrive dans moins de 10 p. 100 des cas.

Le projet de loi ne renferme aucune sauvegarde garantissant que le ministre ne se servira pas de la sécurité des transports comme excuse pour interdire la publication de renseignements embarrassants. Rien ne garantit que le ministre ne confondra pas sécurité des transports et sécurité de poste, en raison de ses intérêts particuliers. Je ne dis pas qu'il est malhonnête, mais qu'il a un intérêt inhérent.

(1710)

En outre, normalement, en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, les directives que le gouvernement donne à une société d'État viennent du Cabinet, sur recommandation du ministre, après consultation auprès du conseil quant à la teneur et à l'effet des directives. Celles-ci doivent être déposées au Parlement. Toutefois, le projet de loi C-49 propose d'autoriser le ministre à donner des directives écrites à l'administration sur des questions concernant la sécurité dans les aéroports sans jamais passer par le Cabinet. Il n'aurait pas non plus à consulter le conseil d'administration, et il ne serait pas tenu de présenter ces directives au Parlement.

Qui plus est, le projet de loi C-49, prévoit notamment que les directives ne sont pas des textes réglementaires. Cela prive le Parlement d'un mécanisme d'examen de ces directives. En effet, il n'est même pas nécessaire d'informer le Parlement de pareilles directives. En outre, le projet de loi oblige l'administration, ses administrateurs et ses employés à se conformer à ces directives, mais qu'arrive-t-il si, en agissant ainsi, l'administration, ses administrateurs ou ses employés se trouvent alors à contrevenir à d'autres lois fédérales, à des lois provinciales ou à des règlements municipaux? En pareil cas, quelle loi les administrateurs et les employés respecteraient-ils et quelle loi enfreindraient-ils?

Le projet de loi exige du ministre qu'il examine, au bout de cinq ans, les dispositions législatives régissant l'administration et qu'il dépose au Parlement les conclusions de cette examen, mais rien ne stipule qu'il doit s'agir d'un examen indépendant. Cet organisme pourrait être un cafouillis de la pire espèce, mais nous ne saurions que ce que le ministre veut bien nous dire. C'est important. Pour ce qui est de l'examen après cinq ans, je n'ai rien contre le fait que des gens à l'interne fassent une étude, mais il faudrait idéalement qu'un examen indépendant soit mené par le vérificateur général ou par le Sénat.

Honorables sénateurs, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-49 n'inclut pas l'administration dans la liste des entités assujetties à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels. L'administration ne serait assujettie à ces lois que si le Cabinet décidait d'adopter un règlement à cet égard. Le gouvernement actuel n'est pas réputé pour son ouverture. N'y a-t-il pas déjà amplement de garanties dans les dispositions législatives actuelles sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels pour empêcher la divulgation d'information susceptible de menacer notre sécurité? Est-il juste de soustraire toute l'information à l'application de ces dispositions legislatives compte tenu de l'argent que la nouvelle société dépensera? Ses dépenses seront de l'ordre de 300 millions de dollars. Ainsi, si le ministre fait lourdement pression sur l'administration pour qu'elle embauche à contrat un rédacteur de discours ou un fournisseur de services de contrôle dont le siège social se trouve, comme par hasard, dans la circonscription de Shawinigan ou ailleurs, les contribuables ne devraient-ils pas avoir le droit de savoir comment l'argent qu'ils ont durement gagné est employé?

Un autre problème vient du fait que le ministre peut imposer le silence aux responsables des aéroports et aux fournisseurs de services de contrôle. Conformément au paragraphe 32(2) du projet de loi C-49, les exploitants d'aérodrome autorisés et les fournisseurs de services de contrôle doivent protéger le caractère confidentiel des renseignements dont la publication nuirait, selon le ministre, à la sécurité publique ou à la sûreté du transport aérien. Cela inclut les données de nature financière ou autre qui pourraient révéler ces renseignements et cela crée un autre obstacle qui empêche les Canadiens de connaître la valeur des contrats adjugés à des amis entretenant peut-être des liens avec le parti au pouvoir.

En outre, il peut y avoir des cas où limiter l'information financière que le fournisseur de services peut communiquer aux autres parties pourrait lui causer des problèmes. Lorsque les fonctionnaires comparaîtront devant le comité, ils pourront peut-être nous dire ce qui arriverait si un vérificateur provincial de l'impôt voulait voir les livres du fournisseur de services. Quelle loi ce dernier devrait-il respecter? Devrait-il respecter la loi fédérale qui dit que l'information ne peut être communiquée parce que le ministre en a décidé ainsi, ou la loi provinciale qui exige qu'il coopère avec le vérificateur de l'impôt?

Et, par ailleurs, que se passe-t-il si la banque demande une analyse complète des revenus et des dépenses du fournisseur de services avant de lui accorder une marge de crédit? Cela se produit fréquemment. Le ministre exige que l'on tienne secrets certains détails du contrat, alors que la banque veut voir tous les détails avant d'accorder un prêt d'exploitation. En résumé, vous avez le contrat, mais vous ne pouvez l'exécuter. Que faire si un acheteur potentiel de l'entreprise du fournisseur de services voulait examiner tous ses livres avant de convenir d'un prix?

Honorables sénateurs, dans son rapport de décembre 2000, le vérificateur général recommandait que les conseils d'administration des sociétés d'État jouent un rôle dans la sélection de leur premier dirigeant et du président du conseil d'administration — pratique qui est la norme dans le secteur privé. Le projet de loi C-49 applique en partie cette recommandation en confiant au conseil d'administration la responsabilité du choix du premier dirigeant. On aurait pu aller plus loin en confiant au conseil la responsabilité de l'élection de son propre président. Le projet de loi va au-delà des lois régissant la plupart des sociétés d'État, puisqu'il donne à l'industrie aérienne deux sièges au conseil d'administration et deux autres sièges aux exploitants d'aérodrome.

Il y est dit également que les administrateurs doivent, de l'avis du gouverneur en conseil, posséder l'expérience et la compétence nécessaires pour s'acquitter de leurs devoirs et de leurs fonctions. Bien que ce libellé soit un peu plus ferme que ce à quoi nous sommes habitués, il ne signifie rien si le ministre considère que diriger une association libérale de circonscription constitue en soi «l'expérience et la compétence» nécessaires pour être nommé au conseil.

Le vérificateur général, dans son rapport de décembre 2000, notait que, dans plusieurs sociétés d'État, le conseil d'administration ne comptait pas suffisamment de membres qualifiés pour siéger à un comité de vérification ou même suffisamment de membres possédant une connaissance adéquate des règles fondamentales de la comptabilité pour contester la direction. Ce projet de loi n'exige pas des administrateurs qu'ils possèdent la moindre expérience en gestion financière ou en comptabilité. Je pense que c'est une erreur.

Honorables sénateurs, en résumé, cet organisme aura des problèmes.

Je voudrais dire quelques mots au sujet du Fonds canadien pour l'Afrique et du Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique. Nous comprenons que le premier ministre et le gouvernement du Canada se sont engagés envers le G-8 à créer ce nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique. Cependant, comme le G-8 ne se décidera à agir qu'au sommet de Kananaskis prévu pour juin 2002, nous n'avons pas beaucoup de renseignements sur la portée de ce nouveau partenariat. Ce projet de loi de 101 pages consacre moins d'une page à ces mesures qui vont pourtant coûter 500 millions de dollars. Que savons-nous? Nous connaissons le nom des fonds. Nous savons que les pays admissibles recevront de l'argent et que le ministre approuvera ces dons. Le ministre a donc un pouvoir discrétionnaire énorme sans obligation de rendre compte.

Honorables sénateurs, nous voulons tous aider l'Afrique. Cependant, il me semble que nous devrions inclure au moins un ou deux critères. Par exemple, voulons-nous donner de l'argent aux gouvernements dictatoriaux en Afrique qui violent constamment les droits de la personne? Nous devrions réfléchir à cela, honorables sénateurs. Le projet de loi devrait inclure au moins deux ou trois critères généraux qui s'appliqueraient au fonds pour l'Afrique.

[Français]

Quant au dernier projet, le Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique, on définit ce dont il s'agit: des routes — comme dans le temps de Duplessis, des bouts de route —, des aqueducs, des égouts. Le ministre pourra aussi définir d'autres éléments stratégiques. C'est le même système. On donne un pouvoir discrétionnaire exorbitant au ministre.

[Traduction]

Cela nous amène à la question dite de l'assiette au beurre. Nous ne savons jamais quelles influences vont être exercées parce que, bien sûr, certaines ententes sont possibles, et nous en avons vues dans diverses régions du Canada, y compris au Québec.

[Français]

Nous avons, à mon avis, un manque d'imputabilité. Je ne suis pas contre la discrétion gouvernementale. À tout le moins, on devrait structurer les lois de façon à créer un cadre légal raisonnable à l'intérieur duquel les ministres et les fonctionnaires pourraient opérer. Il faut un cadre raisonnable. Tout ce que nous avons est un titre et un montant d'argent. C'est vraiment exagéré.

[Traduction]

L'honorable Douglas Roche: Lorsque le sénateur Cools a fini son discours, je me suis levé pour demander la parole afin de lui poser une question, mais Son Honneur ne m'a pas vu parce qu'un sénateur se tenait debout près du bureau. Je ne voulais pas interrompre le sénateur Bolduc. Je demande donc à présent le consentement de Son Honneur pour poser deux questions au sénateur Cools.

(1720)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée au sénateur Roche de poser une question au sénateur Cools?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: La permission est accordée. Madame le sénateur Cools accepte-t-elle de répondre à une question?

Le sénateur Cools: Certainement.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, nous savons tous qu'en principe, les projets de loi budgétaires contiennent plus d'un poste. Or, ce projet de loi se démarque grandement des projets de loi habituels en ce sens qu'il porte essentiellement sur le droit pour la sécurité du transport aérien et que l'on y trouve une partie très importante sur le Fonds canadien pour l'Afrique.

Je vous dis tout de suite ma position. Je suis totalement opposé à ce droit et je tiens à voter contre. Toutefois, si je vote contre ce droit, je vote en même temps contre le Fonds canadien pour l'Afrique, que j'appuie sans réserve. Je ne veux pas, par un vote, pénaliser le Fonds canadien pour l'Afrique. Je ferai remarquer qu'il n'est pas correct de mettre les sénateurs dans une situation où ils doivent choisir dans un même projet de loi entre la sécurité dans les aéroports, d'une part, et le développement de l'Afrique, d'autre part.

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas déposé un projet de loi distinct en ce qui concerne le Fonds canadien pour l'Afrique? Le sénateur Bolduc a laissé entendre que cette initiative aurait l'appui général. Pourquoi lier l'Afrique à la sécurité dans les aéroports?

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur Roche de sa question.

L'honorable sénateur a entièrement raison. Le projet de loi C-49 est en réalité un recueil de projets de loi. Les deux choses pourraient être traitées séparément et faire l'objet de projets de loi distincts.

Pour rassurer le sénateur, je voudrais lui dire ceci. Le gouvernement s'est montré extrêmement zélé, attentif, vigilant et diligent. En fait, la plupart des responsables ne croyaient pas qu'un projet de loi était nécessaire dans ce cas particulier. Toutefois, le gouvernement et les ministres importants préféraient la formule du projet de loi parce qu'ils sont conscients du fait que des membres du Comité des finances nationales leur posent constamment des questions du genre: Pourquoi faites-vous des dépenses aussi importantes sans dispositions législatives? Le gouvernement veut rassurer pleinement les sénateurs et les députés en demandant cette dépense dans un projet de loi.

J'aurais cru que cela aurait réjoui tout le monde. J'espère que j'ai répondu à la question de savoir pourquoi il y a un projet de loi.

Le sénateur Roche: J'espère que le sénateur Cools ne m'en voudra pas de dire que sa réponse manquait de sincérité. Je suppose qu'elle a donné la meilleure réponse qu'elle pouvait donner. Toutefois, je n'accepte pas sa réponse. Je n'en discuterai pas maintenant. J'ai dit que je ne poserai que deux questions et voici la seconde.

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas mené une étude sur les répercussions économiques de la nouvelle taxe imposée aux voyageurs aériens? L'honorable sénateur a dit que si les recettes dépassent les dépenses, la taxe pourrait être réduite. Cela indique déjà que le gouvernement ne sait pas combien la taxe lui rapportera.

L'honorable sénateur Cools a dit que la taxe est imposée aux voyageurs parce qu'ils sont les premiers bénéficiaires de la sécurité aéroportuaire. Madame le sénateur ne convient-elle pas que le premier bénéficiaire de l'utilisation des aéroports, à notre époque, c'est tout le public? Il s'agit là d'une préoccupation nationale et non d'une préoccupation individuelle. Or c'est l'individu qui est pénalisé.

Est-ce que l'honorable sénateur veut bien considérer les effets de cette taxe sur les voyageurs entre Edmonton et Calgary, distance relativement courte, mais assez longue pour justifier l'avion? Les effets négatifs de cette taxe de 24 $ sur un vol entre Edmonton et Calgary vont sûrement nuire à l'économie des deux villes. Le gouvernement le saurait s'il avait effectué une étude d'impact économique. Pourquoi n'a-t-on pas réalisé une étude des incidences économiques d'une taxe de cette importance dans le monde d'aujourd'hui?

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question.

Je n'accepte pas sa déclaration initiale à mon sujet. Je tiens à dire, pour le compte rendu, que ce n'est pas parce que ma réponse a déplu à l'honorable sénateur qu'elle manquait de sincérité.

L'honorable sénateur continue à appeler ce droit une taxe. Je ne sais pas s'il le fait sciemment, par pure affectation ou par accident. Toutefois, le projet de loi dit qu'il s'agit d'un droit. Il faudrait que cela soit parfaitement clair. C'est un droit pour la sécurité du transport aérien. Ce n'est ni une taxe ni des frais d'utilisation. C'est un «droit».

L'objet de la question de l'honorable sénateur est de savoir si le gouvernement a vraiment considéré les effets de ce droit sur le portefeuille des passagers aériens. Très franchement, je crois que l'honorable sénateur a un argument valable. C'est une bonne question, qui mérite une réponse.

Si l'honorable sénateur veut bien jeter un coup d'oeil au paragraphe 12(3) du projet de loi, il verra que le gouvernement a prévu une disposition permettant au ministre de réduire le droit. Je crois avoir dit très clairement que le gouvernement a l'intention de revoir tout cela au cours de l'automne et, si des réductions sont nécessaires, il les envisagera avec beaucoup de sérieux.

Je crois que le gouvernement a conçu le projet de loi d'une manière très systématique. Toutefois, il n'a pas une grande expérience de la situation. Nous devons en tenir compte. Très franchement, je ne crois pas qu'un gouvernement quelconque du continent, y compris celui des États-Unis, ait beaucoup d'expérience dans la réaction aux conditions, aux urgences et aux problèmes suscités par les événements du 11 septembre.

(1730)

En fait, le gouvernement s'en tire bien. Je suis franchement impressionnée de voir que le gouvernement a été en mesure de répondre aussi rapidement qu'il l'a fait et de façon aussi complète et équitable.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je voudrais signaler que j'ai permis au sénateur Roche de poser une question au sénateur Cools, avec la permission du Sénat. D'autres sénateurs souhaitent intervenir. Je vais donner tout d'abord la parole au chef adjoint de l'opposition, le sénateur Kinsella.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, madame le sénateur Cools a attiré notre attention sur le paragraphe 12(3). Or, il n'y a pas de paragraphe 12(3) dans la partie 1 du projet de loi. Parlait-elle de la partie 2?

Le sénateur Cools: Oui, la partie 2, à la page 21. Je le répète, le projet de loi est composé de diverses parties et chaque partie forme en fait un projet de loi. L'article 12 dont je parlais figure dans la partie 2, appelée la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Chaque partie peut avoir un article 12. La première partie du projet de loi est la mesure habilitante et porte sur la constitution de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien.

Honorables sénateurs, nous sommes chanceux car demain soir, au Comité sénatorial permanent des finances nationales, nous allons faire face à une situation inhabituelle. Nous aurons non pas un, mais deux ministres qui témoigneront devant le comité pour défendre le projet de loi. Je voudrais profiter de l'occasion pour inviter tous les honorables sénateurs à venir interroger ces deux ministres. Il s'agit de John McCallum, le ministre en second des Finances et ensuite, un ministre plus important, l'honorable David Collenette, ministre des Transports.

Le sénateur Kinsella: Je suppose qu'il y a une hypothèse derrière la déclaration du sénateur Cools. Elle a annoncé que ces deux ministres allaient comparaître devant le comité. On part du principe que ce projet de loi franchira l'étape de la deuxième lecture.

Le sénateur Cools: J'ai supposé d'une façon raisonnable que le projet de loi allait être adopté en deuxième lecture. J'ai supposé encore là d'une façon tout à fait raisonnable que lorsque le projet de loi aura été adopté en deuxième lecture et sera renvoyé au comité, les deux ministres comparaîtront pour répondre à toutes les questions que les honorables sénateurs voudront bien leur poser.

L'honorable Edward M. Lawson: Je voudrais simplement formuler quelques brèves observations. En ce qui concerne la sécurité, on part du principe qu'il s'agit d'améliorer et d'élargir nos mesures de sécurité actuelles. Fort bien. La question est de savoir combien cela va coûter. Pour les Américains, il est question d'un droit maximum de 10 $. Pourquoi parle-t-on de 24 $ au Canada?

Le sénateur Kinsella: En dollars américains.

Le sénateur Lawson: Cela ne représente que 15,50 $ ou 16 $. C'est encore trop élevé si vous établissez une comparaison directe entre les dollars américains et canadiens. Le ministre des Finances a dit qu'il reverrait ce droit en septembre. Nous connaissons maintenant certaines des constatations qu'il fera lorsqu'il révisera ce droit, et l'une d'entre elles, c'est qu'il est trop élevé.

Le sénateur Bolduc a soulevé la question du terminal sud à Vancouver. Je crois comprendre que le principe qu'ils appliquent en partie, c'est que si vous ne passez pas par un aéroport, par exemple si vous empruntez un héli-jet, vous n'avez alors pas à payer. Cela présente de l'intérêt. Cela a du bon sens. Il y a la question du terminal sud. Il faut se rappeler que le postulat retenu, c'est que ce droit contribuera à accroître et à améliorer la sécurité actuelle. Pour l'heure, la sécurité est inexistante au terminal sud. Quelle sera-t-elle au lendemain de l'adoption de la mesure législative? Inexistante. Quelle sera-t-elle lorsque nous reverrons le droit en septembre? Inexistante. Là d'où je viens, cela s'appelle percevoir de l'argent sous un faux prétexte. Cette situation ne devrait pas se produire. Paul Martin est un très bon ministre des Finances et il dit que le gouvernement reverra ce droit. Si le gouvernement perçoit cet argent et ne donne rien en retour, que feront-ils? Rendront-ils l'argent? L'argent sera-t-il rendu à grands frais pour le gouvernement? Je n'ai jamais vu de cas où l'on a rendu de l'argent.

Il existe bon nombre de préoccupations au sein de ces collectivités côtières. Je peux comprendre pourquoi on n'y trouve pas de service de sécurité. Lorsque vous montez dans un aéronef en fin d'après-midi, ils vous remettent un couteau de plastique parce qu'ils ne veulent pas que vous ayez en votre possession la moindre chose qui ressemble à un vrai couteau. Les bûcherons n'ont pas de couteau de plastique ou de vrai couteau, mais ils sont probablement en possession d'une hache ou d'une scie à chaîne. Je comprends pourquoi ils ne veulent pas se soumettre à un contrôle de sécurité. Nous devons faire preuve de bon sens et être réalistes.

À l'heure actuelle, certaines administrations aéroportuaires ont des ententes contractuelles avec des travailleurs. Habituellement, ces ententes existent depuis longtemps. La mesure législative libérale est la mesure de remplacement. Si la société A englobe la société B et qu'il existe une convention collective, la société A en hérite. Existe-t-il une telle disposition dans cette mesure législative? La réponse est non. Il n'y a aucune protection. Je soupçonne que, lorsque le gouvernement en aura terminé, bon nombre des entrepreneurs actuels seront probablement encore là. Ils seront embauchés ou réembauchés par le gouvernement au lieu de relever de l'administration aéroportuaire, et ils feront appel à des nouveaux et cette simple protection de base disparaîtra. Ils ne bénéficieront pas de cette protection. Cela me préoccupe.

Je comprends qu'il y a une disposition prévoyant que ce conseil d'administration comptera 11 administrateurs, et cela me dérange aussi. Le gouvernement a déclaré, par l'entremise du ministre, qu'il y aurait deux représentants d'Air Canada, ce qui s'avère logique et raisonnable. Il y aura deux représentants des administrations aéroportuaires; encore une fois, c'est logique et raisonnable. Le comité de l'autre Chambre a recommandé deux représentants des syndicats. Toutefois, comme le ministre a refusé, les syndicats ne seront pas représentés. Que se passe-t-il? Que fait donc le gouvernement? Sous les gouvernements antérieurs, les ministres du Travail n'auraient pas présenté une mesure législative ne reconnaissant pas que la réussite ou l'échec d'un programme repose sur la coopération et la capacité des travailleurs de collaborer avec la direction. En premier lieu, on ne donne aux travailleurs aucune assurance pour ce qui est des droits syndicaux, puis le ministre rejette la recommandation du comité et déclare qu'ils ne seront pas représentés.

Qui seront les sept autres administrateurs? Je comprends que le ministre les choisira, mais si on veut assurer la réussite du programme, ne serait-il pas logique qu'il y ait des représentants des travailleurs parmi les 11 membres du conseil? Que se passe-t-il?

J'ai remarqué au cours des cinq ou six dernières années qu'il semble régner une attitude de laissez-faire parce qu'on estime que c'est le ministre qui a le dernier mot et que c'est lui qui a le pouvoir. Or, il fait preuve d'une certaine arrogance en affirmant que les travailleurs ne devraient pas être représentés. J'exhorte le gouvernement, lorsqu'il examinera la mesure législative, parce qu'il n'est pas trop tard pour les nominations, à accorder une certaine reconnaissance aux gens qui seront largement responsables du succès de ce programme, qui par ailleurs s'impose si nous voulons la sécurité. Le gouvernement ne devrait pas percevoir de l'argent sous de faux prétextes, en promettant de faire certaines choses ou de resserrer et d'améliorer la sécurité alors qu'il n'y a présentement aucune sécurité et qu'il n'y en aura pas davantage dans l'avenir.

Le sénateur Cools: À mon avis, le sénateur n'a pas posé de question, mais a plutôt fait une intervention.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Lawson n'a pas posé de question, il a fait une intervention. Toutefois, le sénateur Cools peut lui poser une question.

Le sénateur Cools: L'honorable sénateur voulait-il faire une intervention ou poser une question?

Le sénateur Lawson: Je ne posais pas de question. J'exprimais mon point de vue.

Le sénateur Cools: Je pensais qu'il posait une question et c'est pourquoi je prenais des notes pour pouvoir répondre.

Le sénateur Lawson: Je ne voulais pas prendre ce risque. Je craignais que l'honorable sénateur ne réponde.

Le sénateur Cools: Ne vous inquiétez pas, je vais répondre en concluant le débat.

Nous savons tous que le sénateur Lawson est étroitement lié au monde syndical. Dans ses observations, il a parlé des 11 administrateurs de la nouvelle agence et il a proposé que deux d'entre eux représentent le monde syndical.

Permettez-moi de poser à l'honorable sénateur la question suivante: pourquoi faudrait-il qu'une loi autorise le ministre à nommer deux administrateurs représentant les syndicats? Le ministre pourrait en nommer beaucoup plus que deux. Qui le saurait?

Pourquoi l'honorable sénateur croit-il qu'il faudrait inscrire dans la loi le pouvoir du ministre de nommer deux représentants des syndicats?

(1740)

Le sénateur Lawson: Je ne pense qu'il faut absolument inscrire cela dans la loi. Cependant, s'il y a une disposition dans la loi exigeant qu'il y ait deux représentants d'Air Canada et deux représentants des autorités aéroportuaires, et si cela devient un précédent, toutes les autres nominations devraient aussi être prévues par la loi. Sinon, pourquoi rejetterait-il la recommandation du comité de la Chambre des communes de nommer deux représentants des syndicats? Si ces nominations doivent être inscrites dans la loi, toutes les autres doivent y figurer également. Si elles ne le sont pas, qu'on fasse les nominations.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

[Français]

QUESTION DE PRIVILÈGE

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, jeudi dernier, le 14 mars, le sénateur Cools a allégué une atteinte au privilège parlementaire en rapport avec le débat sur le projet de loi S-9, sur la définition du mariage. L'incident qui a donné lieu à cette allégation s'était produit la veille, le mercredi 13 mars, lors d'un échange entre le sénateur Cools et le sénateur LaPierre, après le discours du sénateur Wilson sur le projet de loi.

[Traduction]

En exposant son point de vue, le sénateur Cools a soulevé les aspects suivants. Premièrement, elle a soutenu que les arguments du sénateur Lapierre, lorsqu'il a parlé du projet de loi S-9 le 6 mars, étaient blasphématoires et non parlementaires et mettaient en doute les motifs de parrainage de la mesure par le sénateur Cools. Cette dernière a surtout allégué que, durant plusieurs échanges entre elle-même et le sénateur Lapierre, certains enregistrés dans les Débats du Sénat et d'autres non, le sénateur Lapierre s'est montré irrespectueux envers un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Selon le sénateur Cools, ces remarques constituent une violation de privilège, à laquelle on pourrait remédier au moyen d'une motion d'excuses adressées au juge en cause si je devais conclure qu'il y a matière à question de privilège.

[Français]

Commentant l'argument du sénateur Cools, le sénateur Murray a noté qu'il n'y avait rien de consigné à l'appui de l'allégation voulant que le sénateur LaPierre ait parlé de façon irrespectueuse d'un juge. Le sénateur Murray a également laissé entendre que le sénateur Cools semblait, en soulevant cette question de privilège, contredire ses propres affirmations sur l'importance de protéger la liberté d'expression au Sénat.

Le sénateur LaPierre a donné son avis sur les événements de mercredi dernier, ce qui a été suivi de brèves interventions des sénateurs Lapointe et Stratton.

[Traduction]

Après avoir revu la transcription des délibérations de jeudi dernier, j'en arrive à la conclusion qu'il n'y a pas matière à question de privilège. La plainte du sénateur Cools, comme je l'entends, relève davantage d'un rappel au Règlement que d'une question de privilège. Dans la mesure où elle se fonde, en partie, sur les remarques formulées par le sénateur Lapierre le 6 mars, elle est nettement caduque.

Pour ce qui est de possibles remarques échangées entre les deux sénateurs, mercredi dernier, elles auraient pu, elles aussi, faire l'objet d'un rappel au Règlement si elles avaient été consignées. Quoi qu'il en soit, les sénateurs devraient se rappeler la nécessité de respecter le droit de parole de leurs collègues et éviter toute interruption inutile.

Le Règlement du Sénat prévoit un mécanisme destiné à porter rapidement à l'attention du Sénat une question de privilège. Il ne s'agit pas d'une procédure à invoquer sans fondement: les alinéas 43(1)b) et d) stipulent qu'une question présumée de privilège «doit toucher directement aux privilèges du Sénat et viser à corriger une infraction grave et sérieuse». Une fois donné l'avis approprié, par écrit et ensuite de vive voix dans les déclarations de sénateurs, un sénateur est autorisé à porter la question présumée de privilège à l'attention du Sénat après l'ordre du jour de la séance. Dans ce cas-ci, rien de ce que j'ai entendu ne satisfait aux habituels critères décrits dans le Règlement et les références parlementaires qui justifieraient l'allégation d'une violation du privilège parlementaire.

L'ÉTUDE PRÉLIMINAIRE DES PRINCIPALES QUESTIONS DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ

RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du cinquième et dernier rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense intitulé «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense», déposé auprès du greffier du Sénat le 28 février 2002.—(L'honorable sénateur Banks).

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, cet article est inscrit au nom du sénateur Banks, avec qui j'ai eu des pourparlers. Le sénateur Banks est d'accord avec moi pour ajourner le débat.

Je souhaite m'exprimer sur le caractère primordial de la question soulevée dans le rapport, notamment sur la nécessité d'examiner la politique étrangère avant d'examiner la politique de défense. Je voudrais m'étendre sur le sujet, mais il me faut du temps pour m'y préparer. Voilà pourquoi je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Roche, le débat est ajourné.)

[Français]

LE SÉNAT

MOTION VISANT À AUTORISER LA RADIODIFFUSION ET LA TÉLÉDIFFUSION DES DÉLIBÉRATIONS—LA FORMATION D'UN COMITÉ SPÉCIAL—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Jean-Robert Gauthier, conformément à l'avis du 6 décembre 2001, propose:

Que le Sénat approuve la radiodiffusion et la télédiffusion de ses délibérations et de celles de ses comités selon les principes analogues à ceux qui régissent la publication des comptes rendus officiels des débats; et

Qu'un comité spécial, composé de cinq sénateurs, soit constitué pour surveiller l'application de cette résolution.

— Honorables sénateurs, cette question est d'actualité. Que le Sénat approuve la radiodiffusion et la télédiffusion de ses délibérations est à la base de la démocratie. L'expérience de la Chambre des communes à cet égard est positive, et ce depuis 1977. Nous devons faire connaître les travaux du Sénat.

(1750)

Il y a beaucoup de mythes à l'extérieur de cette Chambre. Je voudrais que l'on soit sérieux et que l'on diffuse nos délibérations afin que le peuple canadien comprenne l'essentiel de cette institution qu'est le Sénat.

Nous sommes sur le point d'acheter d'autres équipements de télévision, des caméras, et cetera. Il faut le faire dans le contexte d'une nouvelle disposition qui voudra donner aux Canadiens et aux Canadiennes une meilleure information. La télévision est un médium chaud. Il faut l'utiliser. On ne l'utilise pas assez. Je ne parlerai pas de cette question, car elle soulèvera de nombreux débats. Je veux revenir sur la question de fond, à savoir pourquoi on devrait télédiffuser les séances du Sénat et de ses comités. Notre travail serait mieux connu et plus positif.

Honorables sénateurs, j'aimerais ajourner le débat pour continuer à exposer ma position au Sénat en ce qui a trait à cette motion.

(Sur la motion du sénateur Gauthier, le débat est ajourné.)

[Traduction]

LE HALIFAX GAZETTE

MOTION VISANT LA CÉLÉBRATION DE SON DEUX CENT CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable B. Alasdair Graham, conformément à l'avis du 14 mars 2002, propose:

Que le Sénat du Canada célèbre avec toute la population le deux cent cinquantième anniversaire du premier quotidien à voir le jour au Canada, le Halifax Gazette. La parution du premier exemplaire, le 23 mars 1752, marqua le début de l'industrie des journaux au Canada, une industrie qui contribue énormément à la vigueur et à la constance des traditions démocratiques au Canada.

— Honorables sénateurs, la majeure partie de la communauté internationale s'est insurgée contre l'affront à la démocratie commis par Robert Mugabe, qui a organisé le scrutin au Zimbabwe de façon à ce que l'opposition ne puisse l'emporter.

Ayant oeuvré activement dans de nombreux pays au service du développement démocratique, je crois, comme tant d'autres, que ces élections étaient vouées à l'échec. Bien entendu, tout observateur d'élections chevronné vous dira que la première chose que font les dictateurs, c'est de tenter d'extirper de l'esprit des gens ordinaires les fragiles racines de la liberté. Le Zimbabwe n'a pas fait exception. Pendant la campagne électorale qui s'est déroulée dans ce pays, M. Mugabe et ses partisans ont fait ce qu'ont fait tous les dictateurs avant eux. Les casseurs ont eu recours aux pires tactiques de violence et d'intimidation contre les forces de l'opposition. On a peut-être moins remarqué, cependant, que la presse internationale a été chassée du pays et que M. Mugabe a mis en place des lois qui restreignaient considérablement la liberté de presse.

Honorables sénateurs, l'existence d'une industrie de la presse transparente, dynamique, ayant des opinions claires et de larges appuis est indissociable de la cause de la liberté dans n'importe quel pays. Au Canada, nous comptons plus de 100 quotidiens et 1 000 journaux communautaires, les quotidiens joignant quelque 5 millions de personnes et les hebdomadaires 11 millions de lecteurs d'un océan à l'autre.

En tant que résident de la Nouvelle-Écosse, je suis fier que Halifax soit le berceau de l'industrie des journaux. Il y a 250 ans aujourd'hui, le 23 mars 1752, dans une nouvelle imprimerie à Halifax, un certain John Bushell imprimait quelques modestes copies du Halifax Gazette. Notre bibliothécaire national, le distingué Roch Carrier, qui se trouve dans la tribune sud, a eu la gentillesse de nous apporter de précieux exemplaires de ce premier numéro, que tous les honorables sénateurs pourront consulter sur les bureaux.

À l'époque de John Bushell, la ville de Halifax n'avait que trois ans. Elle était, comme le dit Ronald Rompkey, le jeune frère de notre collègue, le sénateur Rompkey, de l'Université Memorial, une petite garnison britannique servant à compenser le fait qu'en vertu du Traité d'Aix-la-Chapelle, conclu en 1748, la Grande-Bretagne avait été contrainte de rendre l'île du Cap-Breton à la France, se retrouvant ainsi quelque peu démunie au plan stratégique.

Une société commerciale et économique avait commencé à se développer lorsque fut lancé le Halifax Gazette. La publication modeste et plutôt déplacée de John Bushell était largement appuyée par le gouvernement colonial. Employé à l'imprimerie de la Couronne, John Bushell tirait la plupart de ses revenus des commissions qu'il recevait pour produire des exemplaires des nouvelles lois et proclamations.

Remplie d'informations nautiques, l'équivalent des annonces classées de l'époque, d'informations concernant l'importance de la ville en tant que centre commercial et d'articles politiques tirés de publications britanniques, paraissant parfois des mois après leur publication initiale, le Halifax Gazette est un enchantement pour les lecteurs fascinés d'aujourd'hui.

Je signale que tous les Canadiens devraient prendre le temps de jeter un coup d'oeil à l'un des premiers numéros de ce journal, magnifiquement conservés à la Bibliothèque nationale, qui feront d'ailleurs l'objet d'une exposition à compter de demain jusqu'à la fin juin. Ce journal de petit format nous fera remonter des siècles en arrière car, comme Bed Bradlee l'a dit, les journaux ont toujours été une ébauche de l'histoire.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis désolé d'interrompre le sénateur Graham. J'attire votre attention sur l'heure. Il est 18 heures.

Plaît-il aux honorables sénateurs de ne pas tenir compte de l'heure?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Graham: Je remercie les sénateurs.

Pour autant que nous sachions, le journal de Halifax est le troisième plus ancien sur le continent nord-américain.

Les sénateurs comprendront très bien qu'à l'époque du décès de Bushell en 1761, le sens profond du journalisme allait changer et que ce qui allait devenir le ferment politique de la révolution des Américains contre la Grande-Bretagne allait devenir ce qu'on appelle depuis le quatrième pouvoir.

[Français]

Le pouvoir de la presse d'influencer les coeurs et les esprits a été clairement démontré par la tentative du célèbre imprimeur Benjamin Franklin de fonder un journal rebelle à Montréal, sous l'égide du Français Fleury Mesplet. Ce chapitre fascinant de notre histoire a culminé avec la fondation de la Montreal Gazette, La Gazette de Montréal, par Mesplet en 1785. Comme pourra le confirmer le sénateur Joan Fraser, qui en a été l'éminente rédactrice en chef, ce quotidien est le doyen des journaux encore publiés au Canada.

[Traduction]

(1800)

Honorables sénateurs, si le Halifax Gazette n'avait perdu brièvement le soutien du gouvernement en 1766, lorsque, en raison des événements ayant mené à la révolution américaine, il a défié l'autorité britannique en publiant un numéro ne portant pas le sceau officiel requis, le journal qui s'appelle désormais le Nova Scotia Royal Gazette aurait surpassé son rival de Montréal en longévité par plus de deux décennies.

Dans un merveilleux petit article intitulé «Canadian Newspapers: Celebrating 250 Years», M. Stephen Kimber, directeur de la faculté de journalisme de l'Université King's College, à Halifax, a expliqué que Bushell n'était certainement pas un Joseph Howe, le légendaire rédacteur en chef et homme d'État de la Nouvelle-Écosse ayant obtenu la liberté de presse au Canada. Comme le savent sans doute les honorables sénateurs, M. Howe, dans les colonnes de son journal, The Nova Scotian, a mené une lutte lucide et courageuse en faveur d'un gouvernement responsable dans les années 1830 et 1840.

M. Joseph Howe a été un des pères de la démocratie au Canada, avec M. Louis-Hippolyte Lafontaine et M. Robert Baldwin, du Canada-Uni, à l'époque. Un de ses amis et collègues s'appelait John Boyd; c'était un Écossais de la deuxième génération qui a fondé le Antigonish Casket en 1852. Le Casket est l'hebdomadaire local à Antigonish et dans les comtés environnants, et il a actuellement un tirage supérieur à 7 000 exemplaires.

À son apogée, le Casket tirait à plus de 12 000 exemplaires, et plus de 400 exemplaires étant postés à des Néo-Écossais expatriés qui vivaient dans l'État du Massachusetts ou à Boston.

Comme vous vous en doutez, au fil des ans, le nom «Casket» a piqué la curiosité de milliers de lecteurs intrigués de toutes les régions de la planète. Honorables sénateurs, permettez-moi de vous expliquer ce titre. Lorsque le journal a été fondé, le mot anglais «casket» désignait généralement le coffret à bijoux d'une dame et ce n'est qu'au tournant du siècle qu'il a été utilisé pour désigner un cercueil. Jusqu'à ce jour, il y a toujours eu en en-tête du Casket l'image d'un coffre débordant de bijoux, et la devise du journal, qui est restée inchangée depuis 1852, figure directement au-dessus de cette image: «La liberté — le bijou le plus précieux de l'ancien monde et la fleur la plus belle du nouveau».

Le 23 juin, l'Antigonish Casket célébrera le 150e anniversaire de sa fondation. J'ai un intérêt spécial pour le Casket depuis l'époque où j'étais rédacteur en chef du journal étudiant de l'Université St. Francis Xavier, The Xaverian Weekly, qui était publié par la Casket Printing and Publishing Company. Le Casket a également été un important gagne-pain à temps partiel pour la famille Graham du temps où elle s'agrandissait. J'y ai fait mes débuts comme étudiant et j'y suis resté plusieurs années comme directeur de l'information, puis directeur des sports, grâce en grande partie aux encouragements et à la patience du merveilleux éditeur qu'était M. Donald L. Gillis qui, fidèlement et avec un grand sens des affaires et du journalisme, a géré l'établissement pendant 53 ans.

L'encadré sur l'Antigonish Casket ne serait pas complet sans mentionner que, du temps où il était étudiant à Antigonish, notre collègue, le sénateur Lowell Murray, porta un certain temps le titre prestigieux d'adjoint au rédacteur en chef. Personne ne sait s'il a jamais été rémunéré.

Le Casket était et demeure un journal fantastique; les traditions et l'histoire avec lesquelles il est associé font toutes partie d'un fier héritage. À l'époque de sa fondation, il y a 150 ans, la Nouvelle-Écosse venait de gagner le statut de gouvernement responsable et Joseph Howe était le premier premier ministre de la province.

Le fait que Howe était alors toujours en vie était plutôt étonnant. À son époque, les duels étaient devenus chose rare en Nouvelle-Écosse, mais un gentilhomme trouvait encore difficile de perdre la face en refusant un duel. Ayant relevé le défi de John Halliburton en 1840, Howe ressortit vainqueur car Halliburton, qui avait tiré le premier, avait manqué sa cible. Howe déchargea alors son pistolet en l'air, épargnant la vie de son adversaire. La même année, il fut une fois de plus provoqué en duel. Refusant de se battre, le rédacteur en chef relativement jeune du The Nova Scotian aurait dit qu'un rédacteur vivant était plus utile qu'un héros mort.

À bien des égards, cette remarque spontanée est empreinte d'une sagesse sur laquelle il vaut la peine de réfléchir aujourd'hui. Peut-être que, à l'occasion de ce merveilleux 250e anniversaire de la fondation du premier journal du Canada, on pourrait la replacer dans un contexte plus large.

Honorables sénateurs, nous les Canadiens avons le privilège d'être l'une des les plus anciennes démocraties au monde. Une presse libre et sans entraves est l'une des principales lignes de défense de notre mode de vie. Nous avons trop souvent tendance à oublier les courageuses batailles des siècles passés qui ont été menées grâce au pouvoir du mot imprimé et du leadership des rédacteurs en chef et des journalistes de conviction.

Nous devons toutefois être sensibles au fait que les nouvelles démocraties sont en train de vivre la même transition cruciale vers la société civile, à laquelle Joseph Howe a participé si intensément il y a si longtemps.

À propos des Zimbabwe de ce monde, je me souviens d'une conversation que j'ai eue, au Paraguay, avec le rédacteur en chef du tabloïde ABC Colour, il y a plus d'une dizaine d'années, après les élections qui ont servi de point de départ à une plus grande démocratisation de ce pays. En louant le rôle qu'avaient joué les équipes d'observateurs internationaux chargés de surveiller les élections de 1989, le rédacteur en chef m'avait confié ceci: «Vous ne pouvez pas nous aimer pour ensuite nous abandonner. Le président Rodriguez a promis une nouvelle Constitution, la liberté de la presse, une réforme électorale et un nouveau code des droits de la personne. Vous devez continuer de surveiller la situation pour vous assurer qu'il tiendra ses promesses.»

Honorables sénateurs, je n'ai jamais oublié ses paroles ni la passion avec laquelle il avait fait valoir son point de vue — un des nombreux valeureux champions de la démocratie que j'ai eu l'honneur de rencontrer dans le monde entier. J'ai raconté cette histoire dans un ouvrage que j'ai écrit sur le développement démocratique et que j'ai intitulé The Seeds of Freedom. Autre point d'intérêt peut-être, l'ouvrage a été imprimé pour la Pearson Peacekeeping Press au Antigonish Casket qui, je le répète, est un bon vieux journal fondé à l'époque où les Néo-Écossais et les Canadiens en général commençaient à soigner la belle et toujours fragile fleur de la démocratie.

Pendant que nous songeons à célébrer les racines de notre liberté et de la riche société civile qui est la nôtre aujourd'hui, nous devrions nous souvenir de toutes les personnes qui sont persécutées et opprimées et nous rappeler que nous ne pouvons pas les aimer pour ensuite les abandonner après les élections.

Honorables sénateurs, je tiens à remercier la Bibliothèque nationale du Canada, qui a collaboré étroitement avec des groupes provinciaux et des institutions néo-écossaises et fédérales à la commémoration des lointains débuts de la Halifax Gazette et des germes de la tradition démocratique au Canada. La Bibliothèque nationale veille à ce que les Canadiens aient accès à leur patrimoine journalistique. Elle reflète donc en bonne partie ce que nous sommes et d'où nous venons. En exerçant ses responsabilités, le personnel talentueux de la Bibliothèque nationale du Canada entretient l'âme de notre grand pays, préservant l'identité qui lui est propre pour nos enfants et nos petits-enfants.

(1810)

En terminant, je voudrais, au nom de tous les Canadiens, rendre hommage à l'administrateur général de la Bibliothèque nationale du Canada, M. Roch Carrier, qui est à notre tribune ce soir, et le remercier.

Des voix: Bravo!

L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, je ne pensais pas que j'aurais l'occasion de prendre la parole sur ce sujet.

D'abord, je voudrais appuyer la motion du sénateur Graham. Ce faisant, je voudrais souligner que le sénateur a déjà tout dit ce que je voulais dire. C'est inhabituel parce que, depuis le temps que je le connais, c'est plutôt lui qui parle après moi et qui répète ce que je viens de dire. Cette fois-ci, toutefois, c'est l'inverse. Il a dit ce que je voulais dire. Néanmoins, j'ai bien quelques observations différentes à faire ce soir sur cette motion.

Le sénateur Graham: J'espère bien!

Le sénateur Buchanan: L'honorable sénateur a déjà relaté l'histoire du Halifax Gazette aux honorables sénateurs. Je tiens à ajouter que toutes les bonnes choses sont arrivées d'abord en Nouvelle-Écosse et sont ensuite passées de l'Atlantique vers l'Ouest. Je puis parler aux honorables sénateurs de toutes les premières qui sont arrivées en Nouvelle-Écosse.

Combien de sénateurs savent que le premier établissement européen permanent s'est fait à Port-Royal, dans la vallée d'Annapolis, juste à l'extérieur d'Annapolis Royal? Le gouverneur Graham, de Floride, a contesté ce fait lorsque je l'ai affirmé à une réunion à Boston. Plus tard, j'ai lu un article écrit par les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre qui disait que le premier établissement s'était fait au Massachusetts en 1619. Eh bien, en Nouvelle-Écosse, nous avons eu cet établissement en 1605. À la conférence nationale des gouverneurs de 1984, à Boise, en Idaho, j'ai dit au gouverneur Graham: «Saviez-vous que le premier établissement en Amérique du Nord s'était fait à Port-Royal?» Le gouverneur Graham s'est retourné et a répliqué: «Je vous ai déjà dit que votre affirmation était inexacte.» J'ai alors sorti la brochure que les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre avaient fournie et lui ai fait la lecture. Je lui ai alors dit: «Voilà! On dit que c'était en 1619 au Massachusetts. Donc, vous avez tort et j'ai raison.» Il a regardé le gouverneur O'Neill, du Connecticut, et lui a dit: «Vous savez une chose? Je ne vous ai jamais fait confiance, vous les Yankees, et je ne vous fais toujours pas confiance.» Nous avons donc eu le premier établissement là-bas.

Honorables sénateurs, ce n'est pas tout. La Nouvelle-Écosse a eu le premier gouvernement représentatif. Nous avons également eu le premier gouvernement responsable qui, comme le sénateur Graham l'a dit, était dirigé par Joe Howe. Il avait tout commencé. Dans les discours que j'ai prononcés au fil des ans, je dis que nous avons eu le premier gouvernement responsable en Amérique du Nord, et que nous avons encore un gouvernement très responsable en Nouvelle-Écosse. Certains peuvent n'être pas d'accord, mais tout cela était vrai.

Honorables sénateurs, le premier message de télégraphie sans fil expédié par Marconi de l'Amérique du Nord jusqu'en Europe venait de Table Head et non de Terre-Neuve, parce qu'il a dit qu'une lettre avait été reçue. Nous avons envoyé un message entier du Cap-Breton. De même, le premier endroit où John Cabot a touché terre était à Cape North, au Cap-Breton, et non à Terre-Neuve. Nous avons une plaque pour le prouver. En fait, j'ai moi-même dévoilé cette plaque! Nous avons une plaque à Table Head, que j'ai également dévoilée. Je demandais toujours à Brian Peckford: «Avez-vous une plaque?» Il n'en a pas, mais nous en avons une!

À part cela, Joe Howe a prononcé une fois un discours célèbre. Il a dit: «Vantez-vous de votre province, les gars. Quand vous rencontrez un Texan qui vous dit combien tout est grand au Texas, demandez-lui: «Quelle est donc la hauteur des marées au Texas?»» Eh bien, c'est nous qui avons les plus hautes marées du monde. Encore un record pour la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick!

Une voix: Vous partagez cela avec le Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Buchanan: Non, rien qu'en Nouvelle-Écosse!

De plus, je voudrais parler des lumières électriques que nous voyons ici, dans cette Chambre, et partout dans le pays. Je ne dis pas que Tom Edison a inventé l'ampoule électrique en Nouvelle-Écosse. Je ne dis pas cela du tout. Je n'affirme pas non plus que Tom Edison venait de Nouvelle-Écosse. Mais son père, si. La famille a quitté le comté de Digby, en Nouvelle-Écosse, pour aller s'établir à Boston, où il est né.

Honorables sénateurs, toutes ces découvertes et tous ces records appartiennent à ma grande province. Je voulais également dire que nous avons eu le premier journal du Canada et le troisième en Amérique du Nord. Il a été produit par John Bushell. Je suis extrêmement heureux et fier d'appuyer cette motion!

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je me suis levé avant, mais je sais que tous les honorables sénateurs avaient d'importantes notes à prendre pendant la dernière intervention.

Je regrette que Son Honneur ait quitté la salle parce que, dans le numéro du Halifax Gazette du 23 mars 1752 qui a été distribué cet après-midi aux sénateurs, il y avait, sous la rubrique «Dépêches de l'étranger», un article daté de Rome, le 24 septembre, qui disait ce qui suit:

Il y a quelques jours, comme le pape allait dans son carrosse au Quirinal, un homme ordinaire s'est agenouillé dans la rue comme s'il voulait recevoir sa bénédiction. Et, comme le pape allait la donner, l'homme lança une pierre à Sa Sainteté...

Là où je voulais en venir, c'est qu'il y a quelques jours, Son Honneur a dirigé un groupe de nos collègues au Quirinal, qui est maintenant occupé non par le pape, mais par le président de la République italienne, Carlo Chiampi. Dans le bâtiment voisin, nous avons également rendu visite au président de la Cour constitutionnelle d'Italie, qui se trouve dans un autre ancien bâtiment papal faisant maintenant partie des édifices officiels de l'État italien. Durant la visite que nous avons effectuée dans ce bâtiment particulier, le président de la Cour constitutionnelle a emmené l'honorable sénateur Hays et les autres membres du groupe dans la salle où a été prononcée la dernière condamnation à mort imposée par une cour papale. Il est intéressant de faire circuler au Sénat du Canada aujourd'hui cet article du journal de 1752, qui mentionne un palais que nos collègues ont visité il y a seulement quelques jours. Je tenais juste à le mentionner.

(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)

[Français]

(1820)

PÊCHES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER DES QUESTIONS RELATIVES AUX OCÉANS ET AUX PÊCHES—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Gerald J. Comeau, conformément à son avis du 14 mars 2002, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des pêches soit autorisé à étudier, afin de présenter un rapport, sur des questions relatives aux océans et aux pêches;

Que les mémoires reçus et les témoignages entendus sur la question dans la première session de la trente-septième législature soient déférés au Comité;

Que le Comité fasse son rapport final au plus tard le 30 juin 2003; et

Que le Comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports auprès du Greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, afin de donner le temps à notre sous-comité, qui étudie actuellement tous les budgets soumis par les comités afin de savoir quelles ressources seront requises, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 20 mars 2002, à 13 h 30.)


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